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Nous avons déjà fait observer, au début de ce travail, que Kaboul et Kandahar sont, en effet, appelées les portes de l’Inde. Chaque jour encore le Turc, l’Arabe, le Moghol, le Persan, l’Indien, l’Ouzbeg, etc., viennent frapper à ces portes, près desquelles, depuis hier seulement, l’Angleterre fait sentinelle, et que sa main puissante ouvrira seule désormais au commerce de l’Asie. C’est sur cette langue de terre, c’est dans ce pays de montagnes et de pâturages, pays rempli de chevaux et de chameaux, qu’en 1747, Ahmed-Shâh fonda l’empire que les Anglais relèvent en ce moment à leur profit. Mais bien avant cette époque, Kandahar formait à lui seul un point central très important[1].

Le peu de villes principales de l’immense plateau de l’Afghanistan, villes où se concentrent la civilisation, la politique et le commerce du monde asiatique, se trouvent situées non sur la même ligne comme le dit Ritter, mais sur un grand segment de cercle, et à peu de distance l’une de l’autre. Ce sont Kaboul, Ghazna, Kandahar, Hérat, toutes bordant la route royale, qui a quatre-vingt-cinq m. géo. (418 m. ang.) de long. Zeman-Shâh quand il régnait à Kaboul, mit onze jours à faire ce chemin. Le voyage ordinaire de caravane dure de trente à quarante jours. On trouve le long de cette route beaucoup de stations commodes, mais peu d’habitations. Chacune des villes que nous venons de nommer a son territoire bien cultivé. Elles doivent en grande partie leur importance aux souverains qui ont successivement régné sur ce plateau. La plus glorieuse de ces dynasties, la dynastie des Ghaznavides (976 à 1184) fut fondée par Mahmoud, qui, en mourant, laissa pour limites à son empire les frontières extrêmes de la Géorgie et de Bagdad, l’Océan indien, l’Hindoustan de Goudjrât au Gange, Kaschgar et Bokhara. Les Afghans formaient la meilleure partie de son armée, et ce furent encore les Afghans de Ghour et du Paropamise, qui secouèrent les premiers le joug de cette dynastie, et en chassèrent de chez eux les derniers rejetons. Le nouveau royaume des Afghans se releva avec la famille des Douranies (1747). Du temps de l’ambassade d’Elphinstone (1809), ce royaume comprenait dix-huit provinces. C’est vers 1774 que la résidence royale, qui avait été à Kandahar, fut transportée à Kaboul,

  1. Le nom de cette ville peut se déduire de kend ou kand (fort), et dehar ou dahar (crevasses de rochers) ; en effet, Kandahar (fort de rocs) est bâti au milieu des rochers. D’autres cherchent à rattacher l’étymologie de ce mot au temps d’Alexandre, et pensent que Kandahar n’est que l’ancienne Skanderia (Alexandria), ville bâtie par Alexandre.