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chambre ; mais laissons-le dire, et faisons-nous à sa manière courante, quelque peu négligée, mais bien facile et mélodieuse :

Me voici dans Rio, mon volontaire exil,
Rio, fille du Tage et mère du Brésil.
J’ai trouvé sur ces bords des amitiés parfaites :
Mécène m’accueillit dans ses belles retraites ;
Et sous les bananiers, à mes regrets si chers,
La fille des Césars[1] m’a récité mes vers.
Hélas ! que de chagrins le rang suprême entraîne !
Que de pleurs contenus dans les yeux d’une reine !
J’ai vu les siens noyés, et dans son triste élan
Elle me dit un jour : « Ce sol est un volcan… »
Elle n’est plus !… Son nom sur mes lèvres expire,
Quel vent a moissonné la rose de l’Empire ?

Ah ! j’étais jeune alors, plein de sève et d’ardeur ;
J’aimais ce pays neuf, sa pompe et sa splendeur ;
J’aimais le bruit des flots, le bruit de la tempête,
Et les périls étaient mes plaisirs de poète.
De l’ancien monde aux bords d’un monde encor nouveau
Quelle mer n’a pas vu mon rapide vaisseau
Rouler au gré des vents et des lames sonores ?
Et que sont devenus mes hôtes des Açores ?
Enfans de Saint-François, sous l’immense oranger,
Reparlez-vous encor du fils de l’étranger ?
Avez-vous souvenance, ô mes belles recluses,
De ces vers lusitains échappés à mes muses ?…

Il y a dans les vers de De Loy, souvent redondans, faibles de pensée, vulgaires d’éloges, je ne sais quoi de limpide, de naturel, et de captivant à l’oreille et au cœur, qui fait comprendre qu’on l’ait aimé.

Revenu en France dès 1824, on l’aperçoit à quelques années de là en Portugal, y promenant son humeur vagabonde, non plus en gentilhomme de la chambre, mais avec le louable dessein d’y servir la cause de dona Maria, par reconnaissance pour don Pedro, son bienfaiteur. Il parlait et écrivait, dit-on, le portugais à merveille ; l’idiome de Camoëns était devenu sa langue favorite, et il lui fallut quelque temps avant de reprendre sa fluidité française. Je ne pousserai pas plus loin les détails de son odyssée dont on vient de toucher le

  1. L’impératrice du Brésil était archiduchesse d’Autriche et sœur de Marie-Louise.