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REVUE. — CHRONIQUE.

il s’agissait d’une délégation de pouvoir législatif, M. Thiers a préféré l’obtenir de l’initiative même de la chambre. Sans blâmer ce scrupule, nous serions cependant désolés d’apprendre que le but n’eût pas été atteint.

On ne peut qu’applaudir à l’envoi de l’amiral Baudin à Buénos-Ayres. M. Baudin a fait ses preuves. Son nom, sa résolution, sa bravoure, sont connus des Américains. Il est temps que cette affaire se termine par un coup de vigueur ou par une négociation habile, peut-être par l’un et par l’autre. Un blocus prolongé est une situation pleine d’inconvéniens, de difficultés de toute nature. Nous ne savons pas non plus jusqu’à quel point il peut être de l’intérêt et de la dignité de la France de solder une guerre civile, et de se mêler aux débats intérieurs de ces malheureux pays pour obtenir une satisfaction. Dût-elle coûter davantage, l’action directe de la France nous aurait paru, sous tous les rapports, préférable à des menées et à des intelligences dont les résultats sont presque toujours chimériques.

L’empereur de Russie est arrivé à Berlin deux heures avant la mort du roi, de ce prince que le peuple prussien regrette amèrement, et qui, après de terribles revers, a tant fait pour la prospérité, pour l’instruction, pour le développement moral et la bonne administration de son royaume, ainsi que pour le maintien de la paix européenne.

En traversant la Pologne, la malheureuse Pologne, l’empereur Nicolas s’est-il demandé quel sera, au jour de sa mort, le jugement inexorable de l’histoire ? Les rois aussi meurent, et, comme le lui a écrit l’évêque de Podlachie, ils sont appelés comme nous devant le tribunal du Tout-Puissant. On ne s’est pas contenté de fouler aux pieds les droits sacrés de la Pologne, d’y étouffer toute liberté, d’y laisser commettre les actes les plus odieux, de lui arracher par lambeaux tous les élémens de sa nationalité politique ; on veut maintenant, à force de séductions, de tracasseries, de violences, l’enlever au catholicisme et la courber sous le sabre de la papauté russe.

Au reste, il ne faut pas trop s’en plaindre. C’est peut-être une de ces folles tentatives que la Providence permet dans sa justice. Ce sont des blessures que le temps ne guérit pas. C’est une lutte sourde, longue, douloureuse, mais une lutte où la Pologne trouve, sans les mendier, des alliés habiles à Rome, des sympathies profondes dans toute la catholicité. Charles V put étouffer la liberté politique à Florence ; les inquisiteurs de Philippe II affranchirent les Pays-Bas.

Un horrible attentat vient d’épouvanter l’Angleterre. Nous avions espéré que ce n’était qu’un acte de démence ; il paraît malheureusement que c’est un crime. Attendons l’issue du procès.

Un nouveau triomphe vient de raffermir le trône constitutionnel en Espagne. Morella est au pouvoir d’Espartero. Bientôt don Carlos trouvera dans son impuissance une cause légitime de délivrance, et pourra rejoindre don Miguel à Rome. — On parle toujours du voyage des reines Isabelle et Christine. Le champ des conjectures est toujours ouvert ; il serait téméraire d’y entrer.