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SALON DE 1840.

veur de grandes difficultés, car la tête se détache sur un fond de marbre blanc. Cette donnée absurde et manifestement contraire aux conditions de la peinture ne pouvait être traduite que par un artiste du premier ordre. La manière dont la tête se présente n’est pas choisie plus heureusement que le fond du portrait ; le nez est séparé de la bouche par un intervalle beaucoup trop grand : or, si la tête eût été vue de face, une partie de cet intervalle eût été dissimulé par l’ombre du nez. M. Calamatta a traduit cette seconde faute, comme la première, avec une fidélité victorieuse.

La Transfiguration, gravée par M. Desnoyers, est une œuvre consciencieuse qui mérite d’être étudiée attentivement. L’auteur a traité avec soin le contour et l’expression de chaque tête, et sous ce rapport la gravure de M. Desnoyers me paraît très supérieure à celle de Raphaël Morghen. Dans cette dernière planche, en effet, le ciel, les terrains, les vêtemens et les têtes sont rendus à l’aide d’un procédé uniforme ; la planche entière ressemble à un réseau d’acier. M. Desnoyers a varié son travail selon la nature des objets qu’il avait à rendre : aussi sa gravure se distingue-t-elle par une admirable clarté. Je reprocherai aux vêtemens un peu de lourdeur. Pour juger d’une façon décisive la fidélité de cette traduction, il faudrait avoir vu l’œuvre de Raphaël. Toutefois j’incline à penser que la toile placée au Vatican offre une harmonie de couleur qui ne se trouve pas dans la gravure de M. Desnoyers.

Cette année, les ouvrages de sculpture sont en petit nombre. Il nous est impossible de contrôler la conduite du jury, car nous n’avons pas sous les yeux les ouvrages qu’il a refusés. Toutefois il nous est difficile d’admettre que les ouvrages refusés soient très inférieurs aux sept huitièmes de ceux que nous voyons. S’il fallait s’en rapporter aux on dit, le jury aurait prononcé à peu près au hasard sur l’admission et l’exclusion des ouvrages envoyés au Louvre. Résolu d’avance à ne recevoir qu’un petit nombre de morceaux, il aurait consulté son caprice plus souvent que la raison. Cette hypothèse, qui pourra paraître impertinente, n’est cependant pas dépourvue de vraisemblance ; car le public n’a pas oublié que le jury du Louvre a refusé, il y a quatre ans, tous les groupes envoyés par M. Barye. Or, ces groupes, qui sont aujourd’hui chez M. le duc d’Orléans, ont été pendant plusieurs jours exposés chez M. Aimé Chenavard, et chacun a pu se convaincre de l’injustice du jury. Quels que soient les motifs de la décision prise, il y a quatre ans, par la quatrième classe de l’Institut à l’égard de M. Barye, il est certain que cette décision est absurde,