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DU THÉÂTRE EN ANGLETERRE.

parés. J’ai cherché la science, comme tu as cherché l’amour ; aveugle comme toi ! L’amour n’est rien sans la science, ni la science sans l’amour. Cependant nos conquêtes nous restent ; j’ai la puissance ; tu as la beauté. Hélas ! nous nous éveillons cependant, et l’expiation nous attend l’un et l’autre.

Aprile. — Je le vois, Dieu est la poésie complète.

Paracelse. — Dieu est la science parfaite. Les deux moitiés de l’idéal se réunissent en lui seul. Faibles et fous que nous sommes ! mortels débiles ! nous avons voulu les atteindre en les isolant. Nous sommes trop punis !


Ce qu’il y a d’élévation et de profondeur dans ces pages n’a pas besoin de commentaire. Paracelse, représentant l’ardeur de connaître au commencement du XVIe siècle, c’est-à-dire à une époque de renouvellement total où la pensée humaine changeait de peau comme le serpent, offre au philosophe un spectacle d’un intérêt immense. C’est, je l’ai dit, un révolutionnaire de la pensée ; il ne voit que l’avenir, il n’a foi qu’aux nouvelles espérances qui animent le genre humain. Il veut savoir, non le passé qu’il rejette, mais ce qui est et ce qui sera. Il veut connaître, non les livres, non l’érudition proprement dite, mais le présent, mais l’avenir, mais l’essence des êtres. Il rompt à jamais avec les connaissances acquises par les autres nations et les autres temps, avec les maximes et les conquêtes des sages d’autrefois.


« La vérité n’est-elle pas en nous-mêmes ? (dit-il dans le poème). Il y a en nous tous un point central où l’intime vérité réside dans sa plénitude. Autour d’elle, s’élèvent des remparts qui l’environnent et l’obstruent ; la chair et les sens dérobent la flamme de la vérité à nos propres yeux. Connaître, c’est délivrer la vérité captive ; c’est ouvrir une issue au rayon secret et caché qui est en nous. »


Paracelse n’admettra donc rien de ce qui est convenu ; plein de courage et de foi en lui-même, chevalier d’aventure, rejetant tous les anciens naturalistes et tous les vieux philosophes, il se met à courir le monde pour dégager, au moyen de l’expérience active, cette vérité cachée. Plus il avance, plus cette soif de savoir s’augmente et s’irrite ; à mesure qu’elle s’abreuve, elle devient plus ardente. Paracelse rit des hommes qui l’admirent, il rit de les voir redoubler d’enthousiasme quand il les trompe ; il prend en pitié sa gloire et son école :


« Vous avez vu ce matin, dit-il à Festus son ami, la foule qui se pressait autour de ma chaire ! Parbleu ! ce n’est pas merveille d’exciter leurs bravos et de faire battre leurs cœurs. Mes principes sont simples ; je détruis et je nie. Toutes les fois qu’on nie ce que la foule et les âges ont accepté, la foule est là béante, sans haleine, l’œil hagard, les cheveux hérissés, attendant le tonnerre qui va frapper ses idoles. Comptons un peu mes admirateurs : voyons ! D’abord ceux qu’attirent la curiosité, l’étonnement, la nouveauté, rien de plus ; puis la race