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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

il y a trois parties distinctes : la peinture du temps, celle des hommes et celle de leur idée. Je sais qu’il est difficile de faire marcher de front ces trois parties, car chacune d’elles exige des éclaircissemens particuliers ; mais n’aurait-il pas mieux valu réunir dans une introduction les digressions qui coupent mal à propos et ralentissent le développement de l’idée que l’auteur avait entrepris de suivre, ou procéder par une exposition de la doctrine de Port-Royal et de celle de ses adversaires, et commencer le récit au moment où la lutte commence ? De cette sorte, il nous semble que le livre entier serait plus net, et que la pensée religieuse et sociale qui en fait la base ressortirait mieux de l’amas de détails qui l’environnent.

Nous arrivons maintenant à la seconde question qui nous préoccupait à l’apparition de cet ouvrage : à savoir quel était le point de vue de l’auteur, en commençant cette longue et dramatique histoire. Dès les premières pages, la question est résolue. L’auteur est l’adversaire des jésuites qui, pour lui, représentent l’absolutisme aveugle en matière politique comme en matière religieuse, et le partisan enthousiaste des Arnauld, qui représentent, à ses yeux, la liberté.

Ce premier volume, sauf quelques courtes explications sur les traités de Jansenius et du docteur Arnauld, ne renferme du reste que la partie purement historique de la secte janséniste. La partie dogmatique sera sans doute exposée dans le volume suivant. Autant que nous pouvons en juger par quelques pages de l’introduction, il nous semble que les sympathies de M. Reuchlin pour le jansénisme pourraient bien dépendre quelque peu des rapports existant, selon lui, entre cette doctrine et celle du protestantisme.

« La réformation, dit-il, avait éveillé, au sein même de l’église catholique, un puissant désir de liberté individuelle. Cette idée semble s’être développée dans l’esprit de Jansenius, apôtre de saint Augustin ; dans celui de Saint-Cyran, véritable Français du sud, zélé partisan de la hiérarchie ecclésiastique, et plus encore de l’église dans sa pureté primitive. La doctrine de l’entière soumission à Dieu et à sa volonté sans bornes avait toute la puissance d’une loi céleste et intime qui délivre l’homme de la contrainte extérieure et lui donne la véritable liberté sociale dans l’église et l’état. La dernière formule de ce principe se trouve dans le dogme de Jansenius : Servitus Dei vera libertas. Beaucoup d’hommes enseignent le même dogme, mais à demi seulement, mais sans croire à toute la puissance de cette vérité, sans oser développer, dans la servitude en Dieu, le principe de la vraie liberté sociale.

On voit, par ce dogme, que le jansénisme primitif a des rapports assez étroits avec le protestantisme positif. Lorsque les Anglais, au commencement de ce siècle, abordèrent avec des soldats de l’Hindostan sur les bords de la mer Rouge, les Indiens se prosternèrent devant les vieilles idoles de l’Égypte ; comme si elles avaient été les leurs. Ce seul fait nous démontre mieux la connexion primitive de la mythologie égyptienne et indienne que les recherches laborieuses des savans. Le parallèle établi par les jésuites nous a montré aussi comment les dogmes fondamentaux du jansénisme et de l’église réformée sont