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alliés ensemble. Une observation particulière est venue augmenter notre conviction à cet égard. Il n’y a pas long-temps qu’une honorable famille, qui avait conservé les pures traditions du jansénisme, visita une église réformée et reconnut que tout le sermon qu’elle avait entendu était parfaitement conforme à la doctrine janséniste. Les jésuites, comme nous l’avons déjà dit, ont toujours exprimé cette opinion ; mais les habitans de Port-Royal la repoussèrent énergiquement, et, pour donner une preuve du contraire, attaquèrent avec violence le dogme réformé. Si on était parvenu à leur démontrer les rapports de leur doctrine avec le protestantisme, ils auraient été sans doute très effrayés, car ils étaient catholiques et voulaient rester catholiques. »

Plus loin, M. Reuchlin revient encore sur cette idée et dit : « La conception de Jansenius, par rapport à la grace et à la liberté, est essentiellement la même que celle des réformés. Il y a pourtant, entre ces deux doctrines, des différences ; il y en a non-seulement dans les formules, mais dans le fond même de la question. Ces différences sont surtout évidentes dans l’article où Calvin parle de la grace temporaire qu’il ne considère pas, ainsi que Jansenius, comme une grace efficace. Mais en prenant les choses en masse, protestantisme d’un côté, catholicisme de l’autre et jansénisme au milieu, toutes ces différences deviennent bien moins apparentes. Les adversaires des jansénistes comprirent bien vite l’avantage qu’ils pouvaient retirer d’une telle manière de poser la question, et tâchèrent, avant tout, de prouver que le dogme de Jansenius était le même que celui des réformés, par conséquent hérétique. Les jansénistes, au contraire, soutenaient que leur doctrine était celle de saint Augustin. Jusque-là, les uns et les autres avaient raison. Mais les jansénistes, pour ne pas toucher de trop près aux conciles et à saint Augustin, soutenaient que la doctrine de Calvin n’était pas celle de saint Augustin, et en cela ils se trompaient eux-mêmes plus encore qu’ils ne trompaient leurs adversaires. Les objections présentées par eux à ce sujet tenaient à l’expression plutôt qu’à l’esprit même de la doctrine. Calvin enseigne la nécessité de la volonté, saint Augustin se prononce contre la nécessité extérieure, et non pas contre la nécessité intime admise par Calvin. La doctrine de Calvin nie la liberté, mais seulement dans le sens que les scholastiques donnent à ce mot ; saint Augustin emploie dans son système le mot de liberté, mais seulement dans la signification de spontanéité, et c’est aussi ce qu’enseignait Calvin. À l’époque où la question du jansénisme allait être décidée à Rome, les jésuites lui nuisirent beaucoup en envoyant au saint siége le nouvel ouvrage d’un théologien réformé qui montrait les nombreux rapports de sa croyance avec celle de Jansenius. »

Ce sont ces rapports entre les deux doctrines que M. Reuchlin développera sans doute dans son second volume, et c’est là-dessus que s’exercera la controverse.

Schiller’s Flucht nach Mannheim (Fuite de Schiller à Mannheim).

Je connais peu de livres en littérature plus attrayans et plus instructifs à certains égards que les biographies de ces hommes dotés des dons de l’esprit