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puissant encore : l’intérêt qui s’attache à toutes les questions d’origine, de caractère national et de migrations de cette vieille race des Slaves, si imposante et si peu connue, si grande et si disséminée ?

Le livre de M. E. O. semble avoir pour but d’éveiller dans l’esprit des lecteurs ce double intérêt. C’est un exposé fort lucide des différens dialectes slaves et de leur développement. On voit que l’auteur a fait une longue étude de cette histoire littéraire qu’il retrace si rapidement. Il n’a pas appris à connaître la langue et la poésie slaves par des traductions, il les a prises à leur source. Malheureusement, si son ouvrage a les qualités essentielles d’un résumé, il en a aussi les défauts. Il est trop peu explicite et trop court il promène l’imagination du lecteur dans un large espace, et ne lui montre que la superficie des hommes et des faits. Quelquefois il résume toute une époque en quelques pages, et ressemble alors beaucoup plus à un catalogue bibliographique qu’à une histoire littéraire. On arrive ainsi au bout d’une course précipitée à travers tant de tribus, tant de phases différentes, tant d’indications, et l’on regrette de n’avoir pas pu faire halte çà et là pour mieux voir et pour recueillir. Si au lieu d’écrire sur le vaste sujet qu’il avait choisi un mince volume in-8o, M. E. O. en avait écrit trois ou quatre avec la même netteté d’esprit et les mêmes documens, on ne pourrait faire mieux que de les traduire.

Das Buch der Lieder (le Livre des Chants), publié par M. L. Stolle.

Nous parlions dernièrement de la décadence de la poésie allemande. S’il nous était resté quelques scrupules de conscience sur la rigueur de notre jugement, un livre comme celui-ci suffirait pour les dissiper. C’est une anthologie de chants lyriques toute récente. Je suppose que l’auteur a choisi pour composer ce recueil les noms les plus saillans et les œuvres les plus achevées. Mais, en vérité, en le parcourant d’un bout à l’autre, j’y vois beaucoup de poètes et peu de poésie, une quantité de vers et un excessif dénuement d’idées. Si j’en excepte quelques chansons, ou si l’on veut quelques lieder de Heine qui forment comme le portail de ce nouvel édifice poétique, deux ou trois petites compositions élégiaques d’Anastasius Grün, de Lenau, et une dizaine de pièces jetées çà et là, et signées d’un nom plus ou moins connu, les milliers de strophes contenues dans ce volume de six cents pages pourraient fort bien être perdues sans laisser le moindre vide dans la littérature. Encore faut-il dire que les pièces prises dans ce recueil comme des œuvres de choix ne seraient pas classées parmi nous à un rang très élevé. M. de Nimptsch, ou, si l’on aime mieux, M. Lenau, puisqu’il paraît avoir décidément adopté ce pseudonyme, M. Lenau donc, que les journalistes de l’Allemagne ont tant loué, ne serait certainement en France qu’un poète de troisième ordre, car j’établis encore entre lui et M. H. Heine une certaine distance, et je suis bien littérairement et poétiquement convaincu que l’ode la plus gracieuse ou l’élégie la plus pénétrante de M. H. Heine ne vaut pas une des pages les plus simples de M. de Lamartine ou de M. Victor Hugo. Cependant l’éditeur du Livre des Chants a pour les œuvres qu’il a recueillies et les hommes auxquels il les a