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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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31 mars 1840.


La victoire du ministère dans la discussion des fonds secrets a dépassé les espérances de ses amis. Aussi le cabinet ne saurait se faire illusion. Ce n’est pas là cette majorité définitivement acquise, permanente et compacte, dont toute administration a besoin pour vivre honorablement pour elle et utilement pour le pays. Il est dans l’armée victorieuse des volontaires capricieux, des soldats d’emprunt, et des bannières féodales qui peuvent au premier jour méconnaître la voix du chef autour duquel elles se sont momentanément ralliées.

On ne voulait pas faire naître une crise dont l’issue était pleine d’obscurité et de périls ; on ne voulait pas assumer sur soi la responsabilité de l’avenir, refuser au cabinet un moyen de gouvernement qui ne lui a jamais été contesté que par les oppositions systématiques ; on ne voulait pas abaisser de plus en plus, et par un précédent si fâcheux, le pouvoir qu’il est si urgent de relever ; on ne voulait pas retarder, entraver par une crise ministérielle, et quelle crise ! le départ du prince royal pour l’Afrique ; enfin on n’a pas osé affronter le ridicule et le reproche d’avoir, comme des enfans mutins, brisé un ministère qu’on ne pouvait remplacer.

Pourquoi le dissimuler ? une crainte salutaire et de prudens calculs ont grossi la majorité que l’affection, la confiance et les sympathies politiques préparaient au ministère. Tous les membres de la majorité ne voulaient pas consolider le cabinet, mais nul ne voulait le renverser. Le cri commun n’était point : qu’il vive et qu’il prospère ; mais seulement : qu’il ne meure pas !

Il n’y aurait pour le cabinet ni sûreté ni dignité à supposer le contraire, et à exagérer sa victoire. Les hyperboles des partis rabaissent un gouvernement. Une juste et froide appréciation des hommes et des choses l’honore et le fortifie. On rit d’un cabinet qui compte sur des adhésions qu’il n’a pas obtenues, sur des affections qu’il n’a pas gagnées ; on considère et on respecte celui qui, sans aucune fatuité politique, ne repousse personne, mais ne compte au nombre