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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

Les condamnations à ces peines correctionnelles devaient être prononcées d’une manière sommaire par des inquisiteurs établis ad hoc[1].

La perspective de la bastonnade et des galères aurait dégoûté des amateurs moins prononcés que les Romains. Ils ne continuèrent pas moins de remplir les théâtres. Aujourd’hui même, malgré la médiocrité des acteurs et la nullité des pièces, ils ne les ont pas désertés. Ce goût pour les spectacles tient sans doute à la facilité qu’ils ont de se faire illusion. Leur imagination est vive et mobile, elle se plie merveilleusement à toutes les inventions, et obéit à toutes les volontés du poète. Au bout de quelques momens, le spectateur romain devient le confident et l’ami des personnages en scène, et se fait en quelque sorte acteur dans le drame. Cette facilité de sympathie est poussée à un tel point, qu’il n’est pas surprenant de voir des spectateurs passionnés interrompre la pièce, pour se porter, comme l’illustre chevalier de la Manche en pareille occasion, au secours de la vertu malheureuse et de l’innocence opprimée. En France, le spectateur a plus de vanité et semble toujours se tenir en garde contre l’illusion. Si par hasard il cède et s’y abandonne, c’est d’une manière toute fugitive. Ce genre de fascination n’a lieu d’ordinaire que dans certains momens vifs, quand l’action dramatique court et vous entraîne après elle.

Un soldat de Baltimore était de faction dans l’intérieur d’un théâtre. Au moment où l’acteur chargé du rôle d’Othello va frapper Desdemona, le soldat l’ajuste et lui casse un bras. Toute la salle se soulève et crie au meurtre. — Vous n’êtes tous que des lâches, leur dit le soldat en rechargeant tranquillement son arme ; vous laissiez faire ce maudit nègre. Il ne sera pas dit que, moi de faction, une femme blanche aura été étranglée par un pareil misérable.

Un acte isolé, comme celui de ce soldat, peut se concevoir, sur-

  1. Outre l’échafaud en permanence sur la place Navone, il y avait à la même époque, aux portes des autres théâtres, un cavaletto en permanence, avec un exécuteur de faction, attendant les pratiques. Le cavaletto est formé de deux planches en dos d’âne portées sur quatre pieds de bois. Le patient enfourche le cavaletto, sur lequel on le couche à moitié, le nez contre l’angle du dos d’âne. Alors l’exécuteur fait le signe de la croix, et lui applique sur le dos un nombre déterminé de coups de nerf de bœuf. L’exécution achevée, il réclame une bonne main du patient, qui s’en va chez lui, s’il n’est pas trop éreinté ; autrement, on le rapporte sur un brancard.

    La peine du cavaletto s’appliquait correctionnellement à la foule de petits délits commis par les marchands, cafetiers, restaurateurs, etc. Ainsi, un cafetier qui vendait une tasse de café un jour de jeûne était passible du cavaletto.