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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

rible massacre de ses troupes après une convention signée sur le champ de bataille, action infâme ordonnée par Santa-Anna, dont elle a déshonoré le nom pour toujours, et qui l’aurait payée de son sang, si la modération et la loyauté des chefs texiens ne l’avaient défendu contre l’exaspération de leurs compatriotes ; enfin la victoire d’Houston à San-Jacinto, couronnée par la prise de Santa-Anna, président de la république et général en chef de l’armée mexicaine. Dans tout le cours de cette campagne, les forces du Mexique ont été supérieures à celles du Texas sous le rapport du nombre et de l’organisation militaire. Comme soldats, les Mexicains valaient beaucoup mieux que leurs ennemis ; comme hommes, ils étaient bien au-dessous. Leurs premiers succès à Bejar et à Goliad, souillés d’ailleurs par des cruautés inutiles, ne leur font pas le moindre honneur. Pour les Texiens, au contraire, les revers sont aussi glorieux que les triomphes.

L’armée d’invasion était divisée en trois corps : les généraux Sesma, Filisola et Cos appartenaient au premier, qui devait commencer ses opérations par le siége de Bejar ; Urrea et Garay commandaient le second, dirigé contre Goliad ; le troisième était sous les ordres de Santa-Anna, et destiné à agir selon les circonstances. Bejar et Goliad étant des villes espagnoles, il y avait un grand avantage à les prendre pour base des mouvemens ultérieurs de l’armée. De l’une et de l’autre partaient des routes qui aboutissaient à un centre commun, à San Felipe de Austin, c’est-à-dire au cœur des établissemens anglo-américains. La garnison de Bejar, commandée par le colonel Travis, était très faible ; celle de Goliad, sous les ordres du colonel Fannin, de la Georgie, était plus nombreuse ; mais toutes deux étaient insuffisantes. À la première apparition des troupes mexicaines, Travis et ses braves se retirèrent dans l’Alamo, jugeant inutile de disputer une ville ouverte à un ennemi trop supérieur en nombre et bien pourvu d’artillerie. Maîtres de la ville, les Mexicains commencèrent aussitôt à bombarder la citadelle, que Travis avait fortifiée de son mieux. Entouré de tous côtés et sans espoir d’être secouru, Travis résista pendant quinze jours, tua beaucoup de monde aux assiégeans, repoussa plusieurs attaques, et perdit à peine quelques hommes. Les lettres qu’il a écrites durant le cours du siége sont admirables de résolution et de sang-froid. On lit dans celle du 3 mars : « Il est possible que je succombe ; mais la victoire coûtera si cher à l’ennemi, que mieux vaudrait pour lui une défaite. Dieu et le Texas ! la victoire ou la mort ! » Il écrivait le même jour à un ami : « Que la convention marche et fasse une déclaration d’indépendance, nous sommes prêts