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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

qui manquaient de vivres et d’artillerie. Fannin, voyant qu’il n’avait aucune chance de salut, accueillit donc les propositions d’Urrea et mit bas les armes aux conditions suivantes : — Lui et ses soldats seraient traités en prisonniers de guerre et dirigés sur Goliad, où ils resteraient pendant neuf jours. À l’expiration de ce terme, les volontaires des États-Unis seraient embarqués pour la Nouvelle-Orléans aux frais du gouvernement mexicain ; les Texiens et Fannin resteraient prisonniers jusqu’à leur échange ou jusqu’à la fin de la guerre. — Ces conditions furent violées avec une abominable perfidie. Santa-Anna, qui se trouvait encore à Bejar, ordonna le massacre des prisonniers, et le 17 mars au matin, dimanche des Rameaux, ils furent tous, au nombre de près de quatre cents, égorgés non loin de Goliad, entre cette ville et la mer. C’était le président lui-même qui avait voulu cet horrible assassinat : plusieurs de ses généraux s’y étaient opposés dans le conseil tenu à Bejar ; mais il avait étouffé leur voix, signé la sentence de mort, cacheté et remis la dépêche de sa propre main au courrier qui devait en être porteur. Tout l’odieux de ce grand crime pèse donc sur la tête de Santa-Anna. Il manqua d’ailleurs son but. Au lieu de frapper les esprits de terreur, il les remplit d’une juste indignation, et fit naître dans tous les cœurs une soif de vengeance qui doubla le courage des insurgés texiens.

La campagne s’ouvrait, comme on le voit, sous les plus tristes auspices pour le Texas. Rien ne semblait prêt pour une résistance efficace. L’organisation de l’armée régulière était fort peu avancée. Le commandant en chef, Houston, n’arriva lui-même au quartier-général, sur le Guadalupe, que deux ou trois jours avant la chute de l’Alamo, et n’y trouva que trois cents hommes. Aussi, en apprenant ce désastre, ordonna-t-il sagement de se replier sur le Colorado, afin d’y rallier les renforts qui se préparaient sur ses derrières. Le général mexicain Sezma ayant atteint le Colorado le 22 mars, Houston poursuivit son mouvement de retraite jusqu’au Brazos, et continua ainsi jusqu’au milieu d’avril à reculer dans la direction de l’est. Les habitans de San-Felipe, que cette retraite laissait à découvert, évacuèrent la ville après y avoir mis le feu. C’est à tort que l’on a reproché au général Houston de n’avoir pas plus tôt tenu tête à l’ennemi. Sur le Colorado et même sur le Brazos, il n’avait pas encore une seule pièce de canon. À mesure qu’il se repliait en arrière, il concentrait davantage toutes ses forces disponibles, tandis que Santa-Anna laissait toujours en chemin un peu des siennes ; et on a lieu de croire qu’en se rapprochant de la frontière des États-Unis, il comptait sur