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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

rum partium. Ces premiers poètes étaient donc à la fois acteurs et chefs de troupe, comme l’ont été, chez les modernes, Shakespeare, Molière, Iffland et quelques autres. Les deux auxiliaires du poète s’appelaient δευτεραγωνισταί et τριταγωνισταί[1]. Ces trois acteurs formaient à eux seuls une troupe complète, ou, comme on disait plus poétiquement, un thiase[2], c’est-à-dire un chœur permanent de comédiens. In Græco dramate tres personæ solæ agunt, a dit le grammairien Diomède. Ce n’est pas que les drames grecs n’exigeassent, la plupart du temps, un nombre plus considérable d’acteurs. Eschyle emploie jusqu’à six personnages, Sophocle huit, et Euripide plus encore. Mais on comptait à peu près pour rien ces rôles de figurans, de messagers, de gardes, de nourrices, d’esclaves, dont quelques-uns même étaient muets, κώφα πρόσωπα[3], et que remplissaient ordinairement de simples choreutes. Aussi ni les inscriptions choragiques ni les didascalies ne mentionnent-elles plus de trois acteurs[4]. Comædi tres sunt, a dit Martial ; c’était le chiffre officiel, et il faut remarquer le rapport singulier de ce nombre avec celui des ministres de l’initiation dans les mystères de Bacchus[5]. Il n’en fut pas de même de la comédie ; Aristote signale la foule d’acteurs, ἧ πλήθη τῶν ὑποκριτῶν[6], qu’employait le genre comique, admis postérieurement dans les concours, et qui s’écarta plus que la tragédie des traditions religieuses. Les Romains, par la même cause, dévièrent quelque peu de l’usage antique. Donat mentionne un quatrième acteur dans Térence : Quartæ partes sunt Parmenonis[7]. Evanthius tient même compte des acteurs chargés des cinquièmes rôles, ce qui confirme l’opinion d’Acron, qui porte à cinq le nombre des acteurs à Rome : Non loquantur in fabula plures quinque personis[8]. Horace répétait sans doute une règle de la tragédie grecque, quand il écrivait le fameux axiome : Nec quarta loqui persona laboret. Les critiques anciens n’étaient déjà pas d’accord sur le sens de ce conseil. Diomède y voyait la défense de réunir plus de trois personnages parlans dans la même scène : Persona quarta semper muta[9], dit-il. Acron me

  1. Une des comédies perdues d’Aristophane était intitulée le Tritagoniste. Athen., lib. XIV, pag. 643, D. — Cf. Boettig., de Actoribus primar., secundar. et tert. partium, et Groddeck, Sophocl. Philoctet.. cum prolusione de scena Græcorum et imprimis de tritagonista.
  2. Vit. Sophocl., pag. 3. — Lucian., De histor. conscrib., cap. IV, Schol., ibid.
  3. Phil., in Flacc., pag. 968.
  4. On ne décernait point de prix aux autres acteurs.
  5. Raspe, Tassie’s catal., n. 3564.
  6. Aristot., Poetic., cap. V § 4.
  7. Præfat. in Terent. Hecyr.
  8. Acro, In Horat. epist. ad Pison., v. 189.
  9. Diomed., lib.  III, pag. 488. —