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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

qui les recevait au retour de leurs tournées. Ces confrères de Bacchus, quel que fût le lieu de leur résidence, formaient une corporation unique, toujours disposée à prêter à chacun de ses membres aide et secours. « Dans le temps de la puissance d’Athènes, dit un ancien, les habitans des îles devaient faire juger leurs procès dans cette ville. Hégémon de Thasos, comédien et célèbre auteur de parodies, ayant été l’objet d’une accusation, fut obligé de se rendre à Athènes. Suivi du corps des artisans de Bacchus, il alla demander la protection d’Alcibiade. Celui-ci dit à cette troupe de le suivre, puis se rendit à l’Éleusinium, où il raya du rôle l’accusation dirigée contre Hégémon, malgré les remontrances du greffier et la résistance même de l’archonte[1]. » On voit par cet acte de violence combien la confrérie des artisans dionysiaques était alors nombreuse et puissante. Nous la trouvons telle encore du temps de Mithridate : « Lorsque le sophiste Athénion, qui était fort avant dans les bonnes graces et les secrets du roi de Pont, vint à Athènes, le peuple qui espérait de grands avantages de la protection de Mithridate, reçut son favori au milieu d’acclamations universelles. Les artisans dionysiaques allèrent à sa rencontre, et le prièrent, comme un envoyé d’un nouveau Bacchus, de visiter leur foyer commun, et d’y assister aux prières et aux solennités accoutumées. On fit sur le terrain et dans le bois sacré des sacrifices et des libations qui furent annoncés par un héraut[2]. »

L’Asie Mineure, si dévouée au culte de Bacchus, eut aussi ses confréries d’acteurs. On lit dans Strabon : « Lébédos, située à cent vingt stades de Colophon, est la résidence et le synode de tous les artisans dionysiaques de l’Ionie. Ils tiennent là tous les ans une assemblée solennelle, et il y a des concours en l’honneur de Bacchus. Ils habitaient autrefois Téos, ville ionienne du voisinage. Mais une sédition les força de se retirer à Éphèse ; et comme Attale[3] les établit à Myonnèse, entre Téos et Lébédos, les Téiens prièrent les Romains d’empêcher que Myonnèse, place fortifiée, ne menaçât par cet accroissement de puissance la sûreté de leur ville. C’est ainsi que les artisans dionysiaques passèrent chez les Lébédiens, qui les reçurent d’autant plus volontiers que leur population était fort affaiblie[4]. » Antoine, un siècle après, assigna pour nouvelle résidence à ces comédiens la ville de Priène[5].

  1. Athen., lib. IX, pag. 407.
  2. Posidon. Apam., ap. Athen., lib. IV, pag. 212.
  3. Probablement le dernier prince de ce nom. — Sur les acteurs Attalistes, voyez les Origines du théâtre, tom. I, pag. 209.
  4. Strab., lib. XIV, § 19, pag. 643, C.-D.
  5. Plutarch., Anton., cap. LVII.