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faire. Le problème, on ne doit pas l’oublier, a deux termes, d’une part le chiffre de la population, de l’autre la somme des moyens de subsistance. Qu’on diminue le premier, ou qu’on augmente le second, on ne tend pas moins à rétablir l’équilibre. Ce sont deux chemins fort différens en apparence, mais qui conduisent précisément au même but. Et, qu’on y fasse attention, il s’agit de tout autre chose que de prendre aux uns pour donner aux autres, de dépouiller, par exemple, les propriétaires pour enrichir les fermiers. Sans parler de l’injustice de tels moyens, ils seraient parfaitement impuissans. En Irlande, l’enquête le constate, les petits cultivateurs ont une part proportionnelle du produit brut de la terre aussi forte qu’en Angleterre ; mais, en Irlande les petits cultivateurs sont beaucoup plus nombreux, et le produit est beaucoup plus faible. Il en résulte que, la part relative étant la même, la part absolue est moindre. Il en résulte aussi que vouloir augmenter sensiblement la part absolue des petits cultivateurs sans réduire leur nombre ou sans augmenter le produit de la terre, c’est vouloir l’impossible.

Voici donc comment le problème doit être posé. La population irlandaise restant ce qu’elle est aujourd’hui, comment faut-il faire pour accroître en Irlande la masse des moyens de subsistance ? Comment faut-il faire notamment pour que moins de bras cultivent la terre et pour qu’elle produise davantage ? La commission d’enquête formée en 1835, et qui comptait à la tête de ses membres l’archevêque protestant et l’archevêque catholique de Dublin, proposait à cet égard divers moyens. D’une part, elle voulait que le gouvernement instituât un bureau d’amélioration nationale qui eût les pouvoirs nécessaires, 1o  pour faire mettre en culture les terres non cultivées, et dessécher les terres marécageuses, même malgré le propriétaire, et en fixant la rente qui lui serait payée ; 2o  pour contraindre les propriétaires à détruire les huttes malsaines bâties sur leur propriété, et pour les faire rebâtir tant à leurs frais qu’aux frais du district. De l’autre, elle demandait que des encouragemens puissans fussent donnés à l’industrie, afin d’offrir à la population agricole un débouché nouveau, et en quelque sorte un moyen d’émigration à l’intérieur. Mais outre que quelques-uns de ces projets soulevaient de très graves objections, ils supposaient tous l’emploi d’un capital considérable. Or, ce capital, on le sait, n’existe point en Irlande, et c’est à l’y attirer que consiste la difficulté.

Beaucoup d’écrivains pensent que pour que les capitaux affluent en Irlande, il suffit de lui accorder sur-le-champ toutes les réformes