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RÉFLEXIONS POLITIQUES.

On sait, de reste, comment la coalition européenne ayant manqué son but, la réaction se fit sous le consulat et sous l’empire de Napoléon. La France, dévolue par les puissances à être partagée, partagea l’Europe ; mais la coalition brisée, foudroyée par le canon victorieux de Napoléon, représentait assez bien, pour qui savait les intrigues des cabinets, le serpent dont les tronçons ont été violemment séparés. Ils ne tendaient qu’à se rejoindre. Malgré la sincérité des engagemens pris à Tilsitt par l’empereur Alexandre, et la notoriété de cette alliance, M. Canning écrivait d’un tout autre style à M. de Roumanzoff qu’à M. de Champagny, en répondant à une note adressée en commun à l’Angleterre par la France et la Russie ; et en dépit de toutes les assurances contraires, le cabinet autrichien persistait à ne voir à Saint-Pétersbourg qu’un allié, ou tout au moins qu’un neutre. En ce temps-là même, on vit, par une correspondance interceptée, que le comte de Stadion promettait à l’archiduc Charles, prêt à entrer en campagne contre la France, le secours de toutes les nations mécontentes, au premier rang desquelles il plaçait la Prusse et la Russie, alors alliées à la France. On n’oubliait pas que Napoléon, tout absolu qu’il était, appartenait, par l’origine de son pouvoir, à la révolution de 1789, et il n’était, au milieu de ses victoires, qu’un intrus parmi ceux des souverains qui occupaient à titre légitime les trônes de l’Europe.

Le congrès de Vienne eut lieu sous l’influence de ce principe, et au milieu de grandes nécessités politiques auxquelles il fallait obéir. Les arrangemens politiques de 1814 et les traités de 1815 furent assurément désastreux pour la France. Pour ces traités, comme l’a dit M. Thiers quelque part, ils furent un malheur et non pas une honte ; car l’attitude de la France, en les subissant, fut belle et noble, et c’est l’attitude d’un pays et non les traités auxquels il est obligé de se référer, qui constituent sa dignité. À Vienne, cependant, tout ne se passa pas en démonstrations hostiles à la France, et nous ne craignons pas de dire que peu de congrès adopteraient à cette heure certaines résolutions, presque libérales, qui furent prises au congrès de Vienne. C’est qu’alors on était effrayé dans les cabinets de l’Europe et sur les trônes, non des idées libérales à l’aide desquelles on venait de vaincre Napoléon, et qui ne s’étaient pas encore tournées contre ceux qui s’en étaient servi, mais de la seule ambition de l’homme qui comprimait le monde. En un mot, la guerre qui se termina, en 1814, sous les murs de Paris, ne fut, malgré l’origine révolutionnaire de Napoléon, qu’une lutte entre des souverains absolus, telle qu’elle avait eu