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lieu dans les dernières années de Louis XIV, une coalition formée par des royautés opprimées, contre une royauté envahissante. Les nations n’y figurèrent que comme des instrumens dans les mains de leurs aristocraties et de leurs princes ; la scène ne changea que vers 1815, quand Napoléon fit un moment place à Lafayette, en abdiquant en ses mains. Dès-lors, la coalition européenne contre la France reprit le caractère qu’elle avait en 1789, avec cette circonstance de plus qu’elle s’appuyait sur la victoire, et qu’elle occupait militairement le pays d’où elle avait été forcée de se retirer honteusement autrefois.

Le gouvernement de la restauration avait un beau rôle à jouer à cette seconde époque de son établissement. Nous ne lui refuserons pas la justice que nous venons de rendre à quelques actes du congrès de Vienne, et nous nous hâterons d’ajouter que sa tâche n’était pas facile. Ce n’était pas une petite tâche, en effet, que de replacer la France à son rang dans le monde européen, quand elle avait perdu les armées de Napoléon, quand ses ports étaient vides, ses places démantelées, et quand des traités, qu’il fallait rigoureusement observer, nous interdisaient de réparer les pertes que nous avaient causées nos désastres. La politique extérieure de cette époque ne manqua pas, il faut le dire, d’une certaine grandeur. Le gouvernement de la restauration n’avait guère été plus libre de rétrograder vers l’ancien système de politique extérieure de la France que vers la constitution féodale. Jadis la France dominait en Allemagne en se portant arbitre et médiatrice dans les différends de la confédération germanique, dont elle soudoyait les petits princes et souvent les puissances secondaires. Elle s’appuyait sur la Suisse dont elle prenait à grands frais les soldats à son service. Elle avait un parti payé aussi dans la Hollande, alors république et livrée aux différentes influences de cette forme de gouvernement ; en Suède, en Danemark, elle payait des subsides ; à Rome, elle trouvait son crédit dans une foule de concessions à l’égard du clergé, en tant qu’elles s’accordaient avec les libertés de l’église gallicane ; enfin elle avait en Europe mille armes, mille moyens de succès, mille genres de séductions qu’elle n’a plus. En ces temps-là, la France avait en outre, au dehors, des priviléges, des droits immémoriaux, des relations de famille, des prérogatives et jusqu’à des droits de succession acquis avec les différentes provinces que la féodalité vaincue lui avait cédées, toutes choses que la révolution abandonna et auxquelles elle dut renoncer en fait et en droit, mais qu’elle remplaça dès-lors, surtout sous le règne de Napoléon, par des négociations faites l’épée haute et par des victoires. Qu’on