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Ainsi, pour la première fois depuis cette révolution, l’assentiment de la majorité libérale du pays se trouva avoir de l’écho au dehors dans les sphères les plus élevées. Ainsi également, sans faire aucune concession, car la profession de foi faite le 13 mars renfermait aussi ces paroles : « Nous voudrions et ferions la guerre si la sûreté ou l’honneur de la France était en péril, car la liberté aussi serait menacée ; » sans concession aucune, disons-nous, la révolution de juillet excitait une sorte de sympathie parmi ses ennemis les plus déclarés, et le gouvernement de Louis-Philippe se trouva ce jour-là réellement reconnu par les puissances. On voudra bien remarquer que si nous insistons sur cette circonstance, ce n’est pas que nous fassions dépendre l’existence de la France constitutionnelle de la volonté des états absolus de l’Europe, mais c’est qu’elle annonce un véritable progrès dans les idées de ces gouvernemens, progrès qui doit en faire supposer de plus grands encore parmi les populations qu’ils dirigent.

L’Europe et la majorité conservatrice approuvaient donc déjà en 1831 les idées du 13 mars, et nous venons de voir quelles furent ces idées : la responsabilité ministérielle dans toute sa réalité, le gouvernement remis aux mains des ministres, l’indépendance des peuples soutenue par les négociations, la liberté et la dignité de la France défendues au besoin par les armes. Nous montrerons tout à l’heure que depuis cette époque l’Europe a fait de nouveaux progrès dans cette voie. Le parti conservateur aurait-il reculé ?

Nous avons eu dessein de montrer, par les réflexions qui précèdent, que l’Europe vit sous deux influences, dont l’une nous est contraire, tandis que l’autre nous est propice : nous voulons parler de l’effet matériel du congrès de Vienne et des conséquences du progrès social qui a lieu en Europe depuis la promulgation de ce traité. Quelle secousse eût éprouvée l’Europe, à quel hasard eussent été remises ses destinées, si les traités de 1815 eussent été reniés en 1830 par la France, comme le demandait l’opposition ? Qui oserait soutenir que le progrès social de l’Europe eût été accéléré si la France avait alors réclamé ou même repris les limites du Rhin, tenté de vive force la démolition des forteresses belges, et mis nos soldats au service de toutes les insurrections ? Au lieu de cela, qu’est-il arrivé ? La partie des actes du congrès de Vienne qui n’est pas empreinte de l’esprit de justice, et qui n’a pas été conçue dans les principes d’une politique haute et généreuse, s’affaisse chaque jour et se détruit peu à peu. Il est vrai que les altérations que le temps fait subir à ces actes se font aussi quelquefois au détriment des peuples ; mais la force qui résultait