Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
349
RÉFLEXIONS POLITIQUES.

manifestation toute brutale appelait, qu’on nous passe le mot, un pouvoir un peu semblable pour la réprimer. Les forces intellectuelles qui résidaient dans le gouvernement s’effacèrent devant la force matérielle qui y figurait, et ce fut alors qu’une ancienne vérité éclata. On vit que la fermeté d’esprit est bien distincte de l’habitude des périls, et que ce ne sont pas les hommes les plus exercés aux combats qui montrent le plus de sang-froid et de vigueur dans les dangers politiques. Les collègues du maréchal Soult en appelèrent à sa vieille expérience militaire, et accordèrent l’état de siége aux exigences urgentes de la situation. Au 15 avril, l’amnistie fit rentrer le parti radical dans l’état de prostration où le jettent les mesures généreuses soutenues par la force, en même temps qu’elles sont prises avec opportunité, et il ne dut qu’à l’avénement de la coalition, c’est-à-dire à des forces qui n’étaient pas à lui, et dont il ne pouvait disposer, même momentanément, la chute de l’administration qui avait annulé l’effet de ses prédications, et désarmé le bras de ses adhérens les plus coupables.

L’échauffourée du 12 mai, cette dernière prise d’armes qui nous préservera peut-être désormais des longues crises ministérielles, ramena la force militaire au pouvoir sous la forme du maréchal Soult ; et, dans le tumulte, dans l’effroi de cette journée, le vieux guerrier se trouva avoir conquis deux portefeuilles au lieu de celui que lui assurait de droit le caractère tout spécial de ses antécédens. La chambre, lasse d’une longue crise, ratifia en murmurant la composition de ce cabinet, où le centre droit croyait trouver quelques motifs de sécurité dans la glorieuse épée du maréchal, qu’il voyait tournée contre l’émeute. Mais ce cri d’un parti aux abois, cette émeute qui avait profité d’une lacune dans le pouvoir pour troubler la cité, témoignaient par là même de la décadence et de l’anéantissement des factions qui osaient autrefois combattre le pouvoir en face ; et, sans répression violente, sans efforts, sans mesures rigoureuses, l’ordre légal, à peine suspendu pendant un jour, reprit son cours ordinaire. L’Europe diplomatique elle-même, qui prend si exactement note et avantage de nos embarras intérieurs, fit à peine attention à cet essai de révolution par escalade, et le ministère du maréchal Soult, né l’épée à la main, se trouva le lendemain de son installation vis-à-vis des partis qui n’apparaissaient que dans la presse et dans l’enceinte parlementaire, seul lieu où l’illustre maréchal ne s’est jamais montré en héros. Or, dès qu’on se trouvait avoir devant soi l’esprit et non le corps du parti radical, la discussion et non l’émeute, dès qu’il ne fut plus ques-