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RÉFLEXIONS POLITIQUES.

son métier que la gauche ne fait le sien. M. Thiers a-t-il destitué quelque fonctionnaire à cause de ses idées modérées et de son esprit de conservation ? A-t-il même destitué personne ? Se trouve-t-il, parmi ses adversaires eux-mêmes, quelqu’un qui, en conscience, veuille l’accuser de travailler à la réforme électorale ? Et pour les lois de septembre, en déclarant qu’il n’admettrait la modification de ces lois que sur un point, sur un point au sujet duquel des scrupules s’étaient élevés même parmi les hommes qui ont voté les lois de septembre, ne s’est-il pas engagé par-là même à ne pas toucher aux autres points de cette législation ?

Pour la politique extérieure, les dissentimens qui retenaient M. Thiers dans l’opposition, contre le cabinet du 15 avril, avec M. de Broglie et M. Guizot, ces dissentimens n’existent plus, car les questions qui les avaient fait naître sont terminées. Il reste l’Orient, et, comme l’a fort bien dit M. Thiers à la chambre des députés, c’est une question devenue si grave que, heureusement pour nous, pour l’honneur de nos hommes d’état, elle ne nous divise presque plus du tout. En effet, la presque unanimité de la chambre s’est prononcée sur ces deux points : maintien de l’empire turc et intérêt efficace pour le vice-roi. Or, ces principes avoués, il n’y a plus qu’à attendre avec confiance le résultat des négociations d’un cabinet dont le chef, les membres et son représentant à Londres n’ont jamais passé pour des hommes sans habileté.

Reste encore la question de la majorité. Elle sera bien petite, disent ceux qui s’efforcent en ce moment de la diminuer. Hélas ! il est vrai, nous ne sommes pas plus dans le temps des grandes majorités qu’à l’époque des fortes convictions. Le ministère a cependant une majorité nombreuse ; mais peut-être ne doit-il pas trop attacher d’importance à la conserver sans en perdre une seule voix. La majorité ainsi faite, lui coûterait trop cher, car il serait forcé de la demander toujours à l’extrême gauche et aux légitimistes, deux partis de qui M. Thiers n’est pas tenté, sans doute, de faire dépendre le gouvernement de la France. La majorité, la véritable majorité, se formera de l’action même du ministère, si cette action est à la fois ferme et prudente, et elle se composera des 221 modérés ainsi que des hommes modérés de la gauche, car il se trouve des hommes modérés de ces deux côtés de la chambre. Ces hommes sont, les uns, ceux dont M. le duc de Broglie disait très justement, il y a trois jours, dans son rapport à la chambre des pairs, que pour eux il n’y a qu’une politique, politique de résistance énergique tant qu’ont duré l’attaque et le danger, politi-