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LA SICILE.

que la Sicile soit traversée par des routes semblables à la seule que l’île possède, celle de Palerme à Catane et Messine. Jusqu’alors on ne trouvera de profit réel et constant qu’en exploitant les mines situées, comme celles de Girgenti, sur la côte. Aussi, les compagnies qui soumissionnaient pour le monopole des soufres, demandaient-elles toutes qu’une partie du droit qu’elles paieraient au gouvernement napolitain fût consacrée à la construction de nouvelles routes en Sicile. Les autres dépenses peuvent être calculées plus régulièrement. Ainsi, le personnel de la régie d’une mine de soufre se compose d’un administrateur local, de deux scrivani et de gardiens. L’administrateur est d’ordinaire un homme grossier qui a quelque importance. Il dirige les excavations à l’aide du capo-maestro, et les comptes avec le scrivano. Cet homme est souvent actionnaire de la mine, et reçoit de 12 à 20 tarins par jour. L’écrivain rappelle un peu les écrivains de la cambuse qu’on trouve à bord des vaisseaux, et sa vie est presque la même. Il ne sort de la mine que les jours de fêtes, et le reste de l’année, il le passe dans une sorte de cage souterraine, à inscrire le soufre qui sort, celui qu’on extrait, et les journées de travail. Ces malheureux reçoivent de 5 à 8 tarins par jour. Le capo-maestro a toute l’indépendance d’un ouvrier et la hauteur d’un employé qui se sent nécessaire. C’est une espèce d’hommes dangereuse et indomptée qui mènent les mineurs à leur gré, et sont toujours disposés à se faire chefs de bande. Ils acquièrent une certaine aisance aux dépens des propriétaires et des locataires de la mine, et jouent un grand rôle à l’époque des renouvellemens des baux. Ils ne reçoivent, toutefois, que 42 tarins par jour. Les gardiens reçoivent de 3 à 14 tarins ; ils n’ont d’autre office que celui de surveiller les abords de la mine, d’empêcher les étrangers d’y pénétrer et les ouvriers de quitter leur travail. Pour ceux-ci, qui se composent, pour la plupart, de pionniers, c’est une population entièrement vicieuse et abrutie. Quand ils ne travaillent pas, ce qui a lieu plus de cent cinquante jours par an, on les voit rôder dans les villages, dormir sur les routes ou se livrer à mille excès. Il y a encore les arditori ou brûleurs, qu’on paie à raison de 3 tarins[1], les trombatori ou pompeurs, qui sont exposés à mille dangers par l’effet du gaz qu’exhalent les eaux quand elles sont agitées par les pompes, et qui causent souvent la cécité, et, enfin, les enfans employés en grand nombre aux menus travaux. Leur aspect fait pitié. On peut encore compter comme une des classes qui vivent

  1. Le tarin vaut 42 centimes 1/2.