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Sans doute, les Anglais peuvent alléguer que l’article 5 du traité de commerce de 1816 leur assurant le droit de disposer sans obstacles de leurs propriétés, le gouvernement napolitain ne saurait restreindre ce droit dont usent les locataires des mines de soufre quand ils prétendent exporter librement leurs produits ; mais il resterait alors à débattre une question importante, à savoir : si les traités de commerce, qui renferment tous de pareilles stipulations, peuvent limiter le droit souverain d’élever ou d’abaisser l’impôt. Il y aurait aussi matière à controverse au sujet de la concession d’un monopole fait à une compagnie qu’on érigerait ainsi en une classe plus particulièrement privilégiée que la nation la plus favorisée, et les jurisconsultes auraient à décider si on doit s’en tenir à la lettre du traité, qui est en faveur du gouvernement sicilien, ou à son esprit, qui pourrait bien être interprété dans le sens des réclamations de l’Angleterre, dont les intérêts sont ici communs aux autres nations, et particulièrement à la France. C’est donc d’un procès, d’un arbitrage commercial qu’il s’agit, et je soutiens que ce serait sortir à toute force de la question, que de vouloir commencer par une guerre, comme on en a prêté l’intention au gouvernement anglais. Je sais toute l’importance des questions commerciales en tous les temps et surtout à l’époque où nous vivons, je sais que ces questions touchent encore plus vivement l’Angleterre que toutes les autres nations ; mais il me semble qu’il y avait lieu à d’autres explications avant d’en venir à des démonstrations hostiles, et l’Angleterre elle-même l’a bientôt reconnu en acceptant la médiation pacifique de notre gouvernement. La France est on ne peut mieux placée, en effet, pour jouer le rôle de médiatrice dans cette affaire.

Je vous ai montré la part importante que prend la France à l’exportation du soufre de Sicile. Le commerce français, qui fait un si grand usage de ce produit, et le comité de la guerre avaient élevé à la fois des réclamations pressantes au sujet de l’élévation des prix causée par le contrat. Le gouvernement français, déjà engagé dans une difficulté sérieuse avec le gouvernement du royaume des Deux Siciles, se borna à demander une modification de ce contrat, et cette négociation, déjà avancée, était sur le point de se terminer conformément aux désirs exprimés par nos agens, quand survint la note de M. Temple. Dès-lors il y a eu, comme on dit, embarras de paroles entre le roi des Deux-Siciles et le représentant de l’Angleterre, et cet embarras eût été déjà suivi d’un conflit plus grave encore, si l’union de la France et de l’Angleterre, qui se resserre heureuse-