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du crédit. On les ménage, on les choie ; ils ont un pied dans les conseils. Avec l’argent gagné dans les emprunts, on se fait homme politique, et politique, on trame des emprunts pour gagner de l’argent…

Mais c’est un cercle vicieux, vont dire les logiciens. D’autres diront : c’est la roue de fortune !

IV. — ÉCONOMIES ET RÉFORMES.

Le rejet probable de la loi des rentes par la chambre des pairs, ne sera qu’un ajournement et non pas une solution. Chaque année on entendra retentir cette argumentation passionnée qui déjà a triomphé, parce qu’elle caresse un sentiment de jalousie trop bien justifié par le misérable état de la propriété foncière. Si vous accordez grace au 5 pour 100, dira-t-on aux propriétaires qui siégent dans les chambres, il s’élèvera d’un seul jet au cours de 133, et cette plus-value aggravera encore la position désavantageuse des possesseurs du sol en présence des détenteurs de la richesse mobile. L’impossibilité de racheter à des prix exorbitans éternisera la dette, et l’étranger, qui a fait d’énormes placemens dans nos fonds, appauvrira notre pays de tous les bénéfices qu’il pourra réaliser par la vente.

Il nous semble qu’il y a, dans tout ceci un fâcheux malentendu. Il n’est personne qui ne désire le soulagement des contribuables ; il est impossible de consacrer l’inviolabilité absolue des rentiers. On s’est élevé seulement contre l’emploi d’un remède intempestif qui peut-être aggraverait le mal ; on a combattu un système financier qui nous précipiterait dans cette voie perfide où l’Angleterre se débat depuis plus d’un demi-siècle.

Est-ce donc qu’il n’existe pas une issue sans périls ? Puisqu’il est généralement reconnu qu’un bénéfice éventuel d’une dizaine de millions est tout ce qu’il faut attendre du remaniement des rentes, pourquoi n’emploierait-on pas les ressources disponibles pour obtenir sur d’autres branches du service des économies au moins équivalentes ? Ainsi satisfaction serait donnée provisoirement aux contribuables, et on se ménagerait le temps de concentrer les études des hommes spéciaux sur le système justement suspect de notre crédit public, d’éclairer l’opinion à ce sujet, de produire enfin un mode d’emprunt et de libération, une loi constitutive du crédit, destinée à devenir la base de tous les contrats futurs entre l’état et les capitalistes, et en vertu de laquelle on entamerait l’œuvre du remboursement ou de la diminution des rentes.

Pour réaliser la première partie de ce programme, il ne faut que la volonté ferme d’engager la lutte contre les intérêts privilégiés, et surtout contre l’inertie et les routines administratives. Quand un gouvernement dispose d’une réserve en argent, et c’est, grâce au ciel, le cas où se trouve la France, il a dix occasions pour une d’opérer avec profit. Le fonds disponible remis en comptes courans à la Banque de France est quelquefois considérable. En 1839, le trésor a eu en dépôt jusqu’à 193 millions, qui ne lui ont pas rapporté un