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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

porter particulièrement sur le mécanisme de notre amortissement. Nous avons dit déjà que l’état, en constituant un fonds perpétuel de rachat, devait être amené à l’alternative de racheter à des prix excessifs et avec une perte toujours croissante, ou de laisser sans emploi cette machine absorbante, dont l’entretien coûte si cher aux contribuables. Qu’arrive-t-il alors ? On gémit de laisser improductif tant d’argent accumulé, et on se crée des besoins pour l’utiliser. Le gouvernement se fait autoriser à consolider la réserve de la caisse, c’est-à-dire qu’il dispose du capital, et en établit la compensation par une rente annuelle. Une institution fondée dans le but d’éteindre les anciens emprunts ne sert plus qu’à faciliter des emprunts nouveaux. Les choses se passaient ainsi en Angleterre, mais on ouvrit les yeux, et l’amortissement fut condamné. Chez nous, rien n’est encore changé. Du 1er juillet 1833, époque de la révision des statuts de l’amortissement, jusqu’au dernier jour de l’année qui vient de finir, le trésor a versé, tant pour la dotation annuelle des rentes au-dessus du pair, que pour les arrérages déjà acquis à l’établissement, une somme qui excède 349 millions de francs. De cette somme, on a distrait 154 millions pour l’intérêt desquels on a inscrit sur le grand-livre au profit de la caisse d’amortissement :

En 4 0/0 
4,765,811 fr.
En 3 0/0 
1,410,090
Total 
6,175,901
Restaient 195 millions comme réserve, et à ce titre, ils ont été convertis en bons du trésor, dont l’intérêt, confondu dans la dette flottante, forme un surcroît de charge de 
4,913,121
De sorte qu’après avoir payé 349 millions pour l’allégement de leur dette, les contribuables sont surchargés d’une dette annuelle de
11,089,022

« Voilà, a dit spirituellement M. de Mosbourg, voilà comme on a créé non-seulement l’art étrange de contracter des dettes sans emprunter, mais aussi l’art de payer toujours sans se libérer, et ce qui semblait plus difficile encore, l’art d’accroître ses dettes sans cesse en payant toujours. »

Nous conviendrons que l’emploi des sommes accumulées pour le rachat des rentes a trouvé son excuse dans des besoins urgens, et que sans cette ressource, il eût fallu faire un appel aux capitalistes. Il n’en est pas moins vrai, en thèse générale, que du jour où un fonds d’amortissement a perdu le privilége de son inviolabilité, il devient une provocation permanente au gaspillage ; une trop grande facilité d’emprunter est aussi pernicieuse pour les gouvernemens que pour les individus.

Nous avons reconnu sans la moindre hésitation la légitimité du remboursement. Malheureusement la qualification de perpétuelles, attribuée aux