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une haute valeur d’échange. Cette circonstance est sans doute favorable au commerce extérieur, qui, soutenu par son capital mobile, peut planer sur tous les points du globe et s’abattre dès qu’il voit un bénéfice à saisir ; mais elle tourne au détriment de la foule attachée au sol national, des salariés surtout, parce qu’en dépit des théories accommodantes, il ne nous paraît pas démontré que la progression des salaires suive exactement celle du prix des denrées.

Après avoir protesté contre un développement exagéré du crédit, nous nous ferons un devoir de constater que, dans la série de plans financiers produite par M. Courtet de l’Isle, il en est qui sont dignes d’attention. Celui qui tend à faire de la poste un auxiliaire des autres banques, par l’émission d’une monnaie de papier facilement transmissible et convertible en espèces à tous les bureaux de cette administration, offrirait l’avantage de faciliter les petits recouvremens si dispendieux aujourd’hui, et de rattacher les hameaux les plus languissans aux grands centres d’affaires. Ce plan soulève toutefois une objection : c’est l’ignorance des employés subalternes des petites localités, qui laisserait trop beau jeu aux faussaires. Les hommes studieux doivent aussi savoir gré à M. Courtet de l’Isle des renseignemens qu’il a recueillis sur les institutions de crédit foncier en Prusse, en Pologne et en Russie, de son analyse des travaux faits en France à ce sujet, et enfin des solutions qui sont le fruit de ses propres études.

Le second ouvrage a été écrit dans un pays où, sur 959 caisses publiques (850 banques et 109 succursales), 56 sont présentement en faillite déclarée, 343 ont suspendu leurs paiemens en totalité, et 62 en partie. L’impression de ces désastres est profonde et douloureuse dans le Traité des Banques et de la Circulation[1], que M. L. Lemaître vient de traduire d’après M. Condy-Raguet, ancien chargé d’affaires des États-Unis à la cour du Brésil. La circulation présente des phénomènes qui varient suivant les élémens dont elle se compose. L’auteur a tracé son plan d’après cet axiome. Dans son premier livre, il décrit une circulation fournie uniquement par les métaux précieux qui, étant à la fois mesures monétaires et marchandises, ont, sur les signes de crédit, l’avantage de porter leur hypothèque en eux-mêmes. Le second livre, le plus important, est consacré à l’étude d’une circulation mixte, composée de métaux monnayés et de papier convertible en espèces métalliques. La troisième partie traite de la circulation restreinte à des billets non convertibles, c’est-à-dire au papier monnaie. La division exacte de ce cadre, la minutieuse analyse des lois qui entretiennent la vie matérielle des sociétés, sembleraient indiquer que l’auteur a conservé le calme et l’impartialité scientifiques ; mais, au fond, son livre n’est qu’un cri de réaction contre cette insatiable engeance qui a dévoré les ressources de la nation américaine. Ces régens de banque qui, du fond de leur comptoir, élèvent ou précipitent la valeur des choses, M. Condy-Raguet les compare aux tyrans féodaux qui se faisaient un revenu de la falsi-

  1. Un vol.  in-8o, chez Renard, rue Sainte-Anne, 71.