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le taux de l’escompte en se contentant de deux signatures, c’est-à-dire de réduire la prime d’assurance en même temps qu’on affaiblirait les garanties de solvabilité ? Le portefeuille ne doit-il pas être toujours pour les billets en circulation une caution aussi solide que les lingots ? Il vaut mieux, selon nous, que l’escompte soit maintenu à 4 pour 100 que de flotter, comme il arrive à Londres, de 3 à 6. Les compagnies dont l’existence se rattache à des exploitations particulières seront périodiquement compromises : la triste expérience en a été faite à Bruxelles[1]. En présence d’un établissement dont la force et la portée sont colossales, le danger est plus grand encore. S’intéresse-t-il au succès de quelque grande spéculation ? il multiplie son papier de crédit, il verse à flots l’or de ses caisses. Le papier suffit pour l’instant aux besoins du commerce intérieur ; l’or est envoyé sur tous les marchés du globe, pour s’y transformer en objets de revente et réaliser des bénéfices. Il y a, ce qu’on appelle en termes de comptoir, expansion ; ce qui n’est autre chose aux yeux des docteurs en économie que la première période d’une maladie commerciale. En effet, la Banque s’aperçoit bientôt que sa réserve métallique n’est plus en proportion avec les billets en émission, et la prudence lui commande de rappeler les espèces dans ses coffres. Le moyen avoué pour obtenir ce résultat est de déterminer l’avilissement de toutes les marchandises. Il suffit à la Banque toute puissante d’élever le taux des escomptes et de restreindre tout à coup les facilités accordées à ses cliens habituels. Ceux-ci sont réduits à l’alternative de manquer à leurs engagemens ou de vendre à perte pour y faire honneur. Commence alors la période douloureuse, celle de la contraction. Chacun a peur du lendemain et se hâte de réaliser ; les produits offerts de toutes parts se détériorent par leur abondance, et ils tombent à si vil prix, que les négocians rappellent le numéraire exporté, parce qu’il y a moyen de l’employer plus avantageusement encore à l’intérieur que sur les marchés lointains. L’appât des gros bénéfices attire en même temps les spéculateurs étrangers. Ce reflux soudain des espèces métalliques rétablit naturellement l’équilibre entre la monnaie réelle et la monnaie de papier. La Banque est sauvée, mais le commerce a fait des pertes incalculables. C’est ainsi qu’en 1836, après avoir prodigué les facilités, la banque d’Angleterre, se trouvant avec un encaisse de 4 millions sterling (100 millions de francs) pour faire face à une émission sept à huit fois plus forte, éleva de 2 pour 100 le taux de ses escomptes. Une baisse subite, évaluée en moyenne à 25 pour 100, déprécia les marchandises, et de tous les points du globe les lingots et les espèces revinrent à Londres. Pareilles manœuvres

  1. Il y a en Belgique deux grands établissemens de crédit. La Société générale, fondée par le roi Guillaume, et à laquelle se sont ralliées depuis la Société du Commerce et la Société nationale, soutient, avec un capital de 164 millions, trente-une entreprises industrielles, fondées au capital de 102 millions. La Banque de Belgique, fondée en 1835 au capital de 20 millions, et réunie à la Société des actions réunies, dont le capital est de 12 millions, a pris sous son patronage vingt-deux exploitations diverses, qui absorbent en capital 54 millions ! Aussi, après trois ans d’existence, la Banque de Belgique a suspendu ses paiemens.