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avec une audace digne des héroïnes de Tirso, d’aller déclarer à son père qu’elle a fait choix d’un époux, que cet époux est don Dionis, et qu’il ne faut plus penser au comte de Vasconcelos. Le duc, comme on peut le croire, est d’abord fort scandalisé d’un pareil aveu ; mais, par le plus grand hasard, on découvre en ce moment même que don Dionis n’est rien moins que le cousin du roi, le fils du duc de Coïmbra. Enveloppé presque en naissant dans la proscription qu’une injuste accusation de trahison a attirée sur la tête de son père, on a dû jusqu’alors, pour le sauver, cacher sa naissance et la lui laisser ignorer à lui-même ; l’innocence du duc de Coïmbra est enfin reconnue, il rentre dans son rang, dans ses honneurs, et son fils devient, sans difficulté, l’époux de la princesse, qui s’était donnée à lui lorsqu’elle le croyait encore un aventurier obscur.

Cette comédie serait un chef-d’œuvre achevé si l’auteur se fût attaché à concentrer l’intérêt sur Madelaine et don Dionis. Il est fâcheux qu’il ait cru devoir joindre à l’action principale une multitude d’incidens oiseux et une seconde intrigue, qui, bien que fort agréable dans plusieurs de ses détails, constitue un hors-d’œuvre des plus invraisemblables. Elle roule sur les amours de la sœur de Madelaine, la princesse Sérafine, dont le caractère romanesque, l’imagination spirituelle et exaltée, sont peints d’une manière fort attachante. Cette intrigue se dénoue comme la première et dans le même instant, par un rendez-vous nocturne ; mais les circonstances en sont bien autrement bizarres. À la faveur de l’obscurité, Sérafine reçoit chez elle, à la place de celui qu’elle avait appelé, un amant jusqu’alors malheureux. Lorsque le jour vient lui révéler son erreur, elle en témoigne d’abord quelque courroux ; mais, apprenant que le coupable est un des plus grands seigneurs du Portugal, elle se résigne sans beaucoup de peine à lui donner sa main.

Nous avons dit qu’à notre avis le Courtisan timide était le chef-d’œuvre de son auteur. Cependant, si nous avions à désigner, parmi les comédies de Tirso de Molina, celle qui donne l’idée la plus complète des qualités de son esprit et de son style, notre choix s’arrêterait peut-être sur la Villageoise de Vallecas.

Le sujet de cette pièce est assez compliqué. Un officier récemment revenu de l’armée de Flandre, qu’il a quittée pour échapper aux suites d’un duel, s’est arrêté quelque temps à Valence avant de se diriger sur Madrid, où il va solliciter sa grace. Il est parvenu à séduire une jeune personne d’une noble naissance, et bientôt après il a continué son voyage sans l’avertir de son départ, sans même lui avouer qu’il ne s’était fait connaître à elle que sous un nom supposé. Presque aux portes de Madrid, don Vicente (c’est le nom de l’officier) se repose un moment, à l’entrée de la nuit, dans une auberge où il rencontre un autre voyageur. La maladresse d’un valet amène le troc involontaire de leurs valises ; ils ne découvrent l’erreur qu’après leur départ, lorsqu’ils ne peuvent plus se rejoindre et la réparer. Don Vicente, en examinant les objets contenus dans la valise qui lui est tombée entre les mains, y trouve les papiers d’un jeune homme arrivé du Mexique peu de jours auparavant pour se