Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/535

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
531
AVENIR DE NOTRE MARINE.

reconnaît que tout n’est pas bénéfice dans ce travail, elle convie des auxiliaires au partage de sa magnifique mission. Le champ ne manque point aux pas humains. Si le vieux continent regorge d’hommes, le reste de la terre est encore dépeuplé. Le sol le plus fertile qui soit sous le ciel, les plaines de l’Orénoque et des Amazones sont incultes et désertes. Il y a foule sur un point, vide sur tous les autres. N’est-ce pas la justification de cette loi d’unité qui lie les diverses parties du globe, et l’explication de ce mouvement qui, après avoir appelé sur l’Europe l’excédant des populations asiatiques, pousse aujourd’hui, vers l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie, la partie aventureuse et entreprenante des populations européennes ?

Ce mouvement extérieur, cet esprit d’entreprises, bien servis, bien appliqués, seraient de nature à influer d’une manière décisive sur les grandeurs maritimes de la France. L’intérêt colonial, l’intérêt commercial, dominent la question navale et ne sauraient s’en séparer. On ne peut pas avoir des flottes considérables sans un grand réservoir de marins, et ces marins, la navigation marchande seule les prépare. Or, la navigation marchande, c’est le rayonnement au dehors, c’est un état colonial. Répétons ces vérités vulgaires afin qu’on n’ait aucun prétexte pour les méconnaître ou les ignorer. Sans doute l’emploi de la vapeur, mieux approprié, peut suppléer à quelques-unes de nos nécessités militaires ; mais le besoin d’expansion ne se fera alors que plus vivement sentir dans l’ordre des relations pacifiques. À l’organisation guerrière des nations semble succéder une condition purement laborieuse. Tâchons de lui donner quelques allures de grandeur ; transportons dans le domaine des faits tout ce qu’ils peuvent admettre d’instincts généreux et de nobles mobiles. C’est le moyen de relever notre nouveau rôle et de conserver quelques étincelles de cet idéal qui se retire, de la vie humaine.


Louis Reybaud.