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L’HINDOUSTAN. — AFFAIRES DE CHINE.

la production a sextuplé depuis 1820, ou, en d’autres termes, que la culture du pavot occupait en 1838 de 130 à 140,000 hectares. Or, le Malwa produit à lui seul plus de la moitié de la quantité totale, et à la même époque, 1838, le Bengale a produit 19,500 caisses, ce qui donne à peu près 100,000 hectares de culture. En somme, on peut estimer à 250,000 hectares environ la superficie occupée par la culture du pavot[1]. Il y a loin de là aux conclusions que nous avons cru utile de combattre, et les conséquences de la cessation partielle du commerce de l’opium ne sauraient être aussi graves qu’on se l’est imaginé. Quoi qu’il en soit néanmoins, l’Angleterre a un intérêt immense à amener, par la combinaison de mesures énergiques avec les ressources ordinaires de la diplomatie, le rétablissement du commerce légal entre la Chine et elle. Les Anglais ont réuni, dans ce but, comme nous l’avons dit, des forces imposantes de terre et de mer pour appuyer ces négociations d’un ordre nouveau qu’ils se proposent d’ouvrir avec le céleste empire. Les mesures hostiles annoncées par le gouvernement de la reine ont mis en émoi le parlement, qui n’a approuvé qu’à une bien faible majorité (neuf voix) la conduite tenue par le ministère dans la direction des grands intérêts qui lui sont confiés.

L’Angleterre a décidé que la suspension de son commerce avec la Chine ne serait que momentanée, et elle espère que l’arrivée de l’expédition formidable qui a été préparée à cet effet suffira pour faire accepter à l’empereur les conditions qu’on aura soin d’offrir avant de pousser les choses aux dernières extrémités, conditions qui auraient pour résultat d’asseoir les futures relations des deux puissances sur des bases plus conformes à la dignité de l’Angleterre et à ses intérêts. Il serait possible, c’est du moins l’opinion de plusieurs personnes qui ont été à même d’étudier le caractère chinois[2], que les Anglais rencontrassent de plus sérieux obstacles qu’ils ne l’ont supposé. Mais en Chine comme ailleurs l’énergie, l’intelligence et la science militaire

  1. La quantité d’opium récoltée au Bengale et livrable en 1839 a atteint 22,000 caisses. 18,992 caisses sont livrables en 1840. La France est intéressée, quoique indirectement, au commerce de l’opium ; les stipulations des derniers traités interdisent toute culture du pavot dans les possessions françaises de l’Inde, moyennant une redevance annuelle d’un million de francs que la compagnie paie au gouvernement français ; indépendamment de ce tribut en espèces, l’administration de Chandernagor a droit à 200 caisses d’opium, à prendre au prix moyen des ventes réalisées par la compagnie.
  2. M. Adolphe Barrot, Voyage en Chine, livraison du 15 novembre 1839 de la Revue des deux Mondes.