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dant la minorité de mon fils, conjointement avec sa mère… Vous lui conserverez mon héritage…

Il se tut, et, faisant un dernier effort, il tourna les yeux vers Marie en ajoutant : — Et quelque jour, Loinvilliers, vous épouserez ma veuve…

Le visage du comte devint encore plus pâle ; il se pencha sur le lit avec une faible exclamation. Le général était retombé la tête renversée en arrière ; sa main n’avait pas laissé aller celle du comte ; ses souffrances semblaient s’apaiser : un souffle plus lent soulevait sa poitrine ; ses traits avaient repris leur sérénité ; on eût dit qu’il dormait.

Marie n’avait rien entendu ; la fatigue émoussait toutes ses facultés ; elle ne voyait plus que confusément ce qui se passait autour d’elle ; ses inquiétudes affreuses, sa douleur même, s’éteignaient dans cet anéantissement complet du corps et de l’ame. Loinvilliers, debout en face d’elle, de l’autre côté du lit, la regardait d’un œil fixe, éperdu, et serrait dans ses deux mains la main du mourant avec une effroyable expression de joie.

Au bout de quelques minutes, le docteur, qui s’était retiré un peu à l’écart pour laisser toute liberté à ce dernier entretien, se rapprocha d’un air inquiet et écarta le rideau ; dès qu’il eut jeté les yeux sur le général, il s’écria en prenant vivement le bras de Loinvilliers :

— Monsieur, il faut emmener Mme d’Énambuc ! Relevez-vous ! retirez-vous ! ne voyez-vous pas que tout est fini ?


Mme Ch. Reybaud.


(La fin au prochain numéro.)