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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

milieu de la chambre en aboyant. Confusion de don Procolo qui commence à croire à la sorcellerie. Il battrait le chien s’il n’avait peur de se faire mordre. Tous les assistans se moquent de lui, les plus proches parens de Lucinda lui reprochent son indigne conduite ; mais celle-ci implore son pardon : — Excusez le pauvre homme, leur dit-elle, l’étude et la science lui auront troublé la cervelle. Dans ce moment arrivent les élèves de l’université que Pulcinella a malicieusement convoqués. Ils viennent complimenter don Procolo sur son admission dans la grande académie des Incoronati ; et, comme toutes les comédies de ce genre, la pièce finit par une parade dont Pulcinella et don Procolo sont les héros ; le tout est entremêlé de danses grotesques, de couplets grivois, de lazzi incroyables, sur la ville de Gragnano, fondée par des ânes, et dont les habitans ne font pas mentir l’origine ; sur les femmes de Portici, qui ont le tempérament du Vésuve, qu’il ne faut pas enfermer entre quatre murailles, mais entre quatre rideaux, et dont le sang bout encore après la mort, comme celui du grand saint Janvier, quand un joli garçon passe aux environs de leur tombe. Ces saillies sont accueillies par les rires inextinguibles et par les acclamations multipliées du parterre. Il faut convenir aussi que les acteurs jouent avec une verve incroyable, et qu’au milieu de toutes ces folies, le caractère du peuple napolitain, sa colère et sa joie criardes, sa pétulance et sa belle humeur, sa triviale philosophie, en un mot, toutes les nuances tranchées de son caractère sont parfaitement exprimées.

Nous sommes loin, sans aucun doute, de citer ces pièces comme des chefs-d’œuvre, et à cet égard nous avons déjà fait nos réserves ; nous répéterons néanmoins ici ce que nous avons déjà dit en commençant cette étude des théâtres populaires et des divers types nationaux italiens : aujourd’hui, à Naples comme à Rome et à Florence, la seule et vraie comédie, celle qui peint franchement les ridicules et les habitudes du peuple, c’est la comédie a soggeto, la comédie dell’arte, improvisée en partie. Nous savons parfaitement que dans ce genre de comédies l’auteur est trop souvent obligé de s’effacer pour faire place aux caprices et à la verve de l’acteur, que l’art du poète est sacrifié à l’art du comédien, et que la langue et la décence ne sont pas toujours assez respectées, soit par les auteurs qui donnent les canevas de ces pièces, soit par les acteurs qui sont chargés de les remplir ; toujours est-il qu’elles seules intéressent et font rire, nous dirons plus, qu’elles seules instruisent. Quelles pièces, en effet, les partisans du genre noble peuvent-ils opposer à l’amusant répertoire de Camerana, si long-temps acteur et auteur à San-Carlino ? celles