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qu’il y a de sûr, c’est que les absolutistes catalans l’ont cru ou supposé, et que ce fut là la cause ou le prétexte des mesures violentes qui furent bientôt prises contre le comte d’Espagne.

Cependant don Carlos lui écrivait une lettre autographe pour lui dire qu’après la trahison de Maroto, le roi plaçait toute sa confiance dans ses deux fidèles sujets, les comtes d’Espagne et de Morella, et dans leurs héroïques efforts pour sauver la bonne et sainte cause. Des copies de cette lettre furent lues à l’ordre du jour à toutes les divisions de l’armée carliste de Catalogne, et les soldats y répondirent par des acclamations en l’honneur de leur roi et de leur général. Le comte reprit aussitôt avec énergie les opérations militaires ; il attaqua, prit et réduisit en cendres le bourg fortifié de Moyà ; la seconde division, commandée par Yvanez, en fit autant à Copons ; et, pour éviter de subir le même sort, le fort de Castell-Trésols ouvrit ses portes.

Ce redoublement de vigueur avait-il pour but d’endormir les défiances ? c’est ce qui est possible et même probable ; mais dans ce cas, le but n’était pas atteint. La conspiration absolutiste commençait à se former, et, suivant quelques-uns, du consentement de don Carlos lui-même. Voici ce qu’on raconte à ce sujet. On dit qu’après les évènemens de Navarre, la confiance de don Carlos dans le parti absolutiste pur s’était altérée un moment, et que, mécontent de Cabrera qui n’exécutait pas ses ordres, il avait nommé le comte d’Espagne commandant-général de Catalogne, Aragon et Valence. Cabrera, qui avait eu soin depuis long-temps de suborner à prix d’argent tous ceux qui approchaient don Carlos, aurait été immédiatement informé de cette intention, et aurait aussitôt résolu de se débarrasser de son rival.

Ce qui est certain, c’est qu’on vit un jour apparaître à Berga le fameux Arias Tejeiro, ce petit avocat galicien qui était devenu ministre de don Carlos, et qui, après avoir tout brouillé au quartier général par son fanatisme, avait été chassé des provinces par Maroto. Après avoir passé quelque temps en France, Arias Tejeiro était allé rejoindre Cabrera. Puis, on entendit dire que Cabrera l’avait, à son tour, expulsé d’auprès de lui, et il vint se présenter au comte d’Espagne comme une victime de la plus noire persécution. Tout ce qui était maltraité par Cabrera était sûr de trouver aide auprès du comte d’Espagne ; celui-ci reçut en effet très bien Arias Tejeiro, et parut en faire son conseiller et son ami.

Arias avait-il été en effet repoussé par Cabrera, ou toute cette histoire n’était-elle qu’une feinte pour obtenir un bon accueil du