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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

nelle de Louis XVIII. Nous essaierons plus tard d’apprécier ce qui fut fait alors, mais nous devons auparavant faire connaître ce qui existait avant la révolution et expliquer par quelles transitions on est arrivé du saint empire de 1792, au pacte fédéral de 1815.

Qu’on nous permette d’abord quelques considérations générales sur les différentes phases de la constitution germanique.

La dignité impériale, considérée depuis Charlemagne comme un symbole de suprématie sur tous les peuples chrétiens, avait passé des Français aux Allemands, lors de la honteuse décadence des princes carlovingiens. Ce fut l’Allemagne qui au Xe siècle sortit la première de l’anarchie et du désordre auxquels la chrétienté était en proie : elle en fut redevable à deux grands hommes, Henri-l’Oiseleur et Othon-le-Grand. Othon surtout rappela à l’Europe l’activité, la puissance et la gloire de Charlemagne ; il se fit donner par le pape le titre d’empereur romain, qui depuis ce temps resta inséparable de celui de roi des Allemands. Quand on voit ce qu’était alors l’Allemagne comparativement aux autres pays, on s’étonne qu’elle ne soit pas restée le centre et le foyer de la vie politique de l’Europe, et qu’elle n’ait pas conservé la prééminence que semblait devoir lui assurer la possession de la couronne impériale. Mais elle ne put jamais atteindre cette unité à laquelle la France dut en grande partie son rôle si important dans l’histoire : il se rencontra dans la constitution de l’empire germanique, et sans doute aussi dans le caractère national, un principe de division dont les circonstances favorisèrent le développement. Le pouvoir central alla s’affaiblissant d’âge en âge au profit de pouvoirs secondaires, et le saint empire romain finit par n’être plus qu’un vain nom, n’établissant aucun lien sérieux entre cette foule d’états indépendans, souvent ennemis, dont se composait le corps germanique.

Il y a sous ce rapport, entre les destinées de l’Allemagne et celles de la France, un contraste frappant et qui mérite d’être étudié. En France, du Xe au XIVe siècle, la royauté, d’abord assez faible, va toujours grandissant : d’élective qu’elle était dans le principe, elle devient héréditaire, et il n’est presque pas de règne qui ne lui apporte quelque accroissement nouveau, grace à la politique constante des descendans de Hugues Capet et aussi à un concours inoui de circonstances heureuses. À la mort du dernier fils de Philippe-le-Bel, l’avènement de la branche de Valois amène une longue guerre de succession entre la France et l’Angleterre ; mais la loi salique triomphe : Charles V répare les désastres de Crécy et de Poitiers, et l’hé-