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roïque pucelle efface la honte d’Azincourt. Le pouvoir royal et la nationalité française sortent plus forts qu’auparavant de cette crise d’un siècle, comme le prouve bientôt le règne de Louis XI, qui abat les dernières grandes existences du moyen-âge. Cinquante ans plus tard, la féodalité expirante s’allie à la réforme et met en péril l’unité française, qui est sauvée par le mouvement catholique et populaire de la ligue. Henri IV ne monte sur le trône qu’en renonçant à sa religion et à son parti, et bientôt après Richelieu achève de briser tout ce qui reste de résistances aristocratiques et protestantes. Le siècle de Louis XIV commence : l’autorité royale, désormais illimitée, n’a plus à craindre que son propre excès, et ce sommeil qui s’empare des pouvoirs sans contrôle et à la faveur duquel se préparent des révolutions nouvelles.

Les choses se passent tout autrement en Allemagne. D’abord, au lieu de cette série de rois de France se succédant de père en fils pendant plus de trois cents ans, on voit, dans un moindre intervalle, s’éteindre successivement trois dynasties d’empereurs. Toutes trois commencent avec éclat par des souverains habiles et forts qui établissent leur puissance de manière à faire craindre pour l’indépendance du reste de l’Europe ; toutes trois déclinent par des causes à peu près semblables : la mort prématurée des souverains[1], de longues et désastreuses minorités[2], les expéditions et les conquêtes en Italie, terre funeste pour les empereurs germaniques, et surtout les luttes avec le saint-siége.

Les Othons préparèrent la querelle du sacerdoce et de l’empire, en s’emparant de la nomination des papes. La maison de Franconie reprit leurs prétentions abandonnées par saint Henri, dernier empereur de la maison de Saxe. Alors parut Grégoire VII, qui unit la cause de la liberté de l’église à celle de l’indépendance des princes allemands ; ce fut lui qui, par sa résistance à Henri IV, rendit la dignité impériale vraiment élective. La lutte, apaisée par le concordat de Calixte II, recommença sous les Hohenstaufen, et les papes s’allièrent aux républiques lombardes qui maintinrent leur indépendance contre le puissant Frédéric Barberousse. Ce fut en vain que

  1. Othon II, fils d’Othon-le-Grand, Othon III, son petit-fils, meurent, l’un à vingt-neuf, l’autre à vingt-un ans. Henri III, second empereur de la maison de Franconie, n’atteint pas quarante ans ; Henri VI de Hohenstaufen, fils de Frédéric Barberousse, meurt, dans sa trente-deuxième année.
  2. Celles de Henri IV et de Frédéric II préparent la chute des maisons de Franconie et de Souabe.