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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

allemande. Cette séparation d’intérêts entre les divers états dont se composait l’empire devint de jour en jour plus tranchée, ainsi que le prouve l’histoire du XVIIIe siècle, toute remplie de guerres entre Allemands, comme la guerre de la succession d’Autriche et surtout la guerre de sept ans, où Frédéric-le-Grand rompit la paix publique, arma le nord de l’Allemagne contre l’empereur et l’empire, et se joua impunément des règles les plus fondamentales de la constitution germanique. Ce prince, en dépouillant l’Autriche d’une de ses plus belles provinces et en élevant la Prusse au rang des grandes puissances européennes, détruisit ce qu’on appelait l’équilibre de l’Allemagne, et le chef de l’empire eut désormais un rival[1]. Lorsque plus tard Joseph II, monarque entreprenant et tracassier, voulut rendre à la maison d’Autriche son ancienne prépondérance, soit en faisant revivre quelques-unes des prérogatives de la dignité impériale, soit en concentrant ses forces par l’échange de la Belgique contre la Bavière, Frédéric l’arrêta dans ses projets en formant contre lui la fameuse alliance des princes (Fürstenbund), et, sous prétexte de défendre la liberté allemande, assura à la Prusse tous les avantages de sa nouvelle position. Les choses en étant venues là, on pouvait prévoir dans un temps donné la dissolution de l’empire germanique et la rupture définitive du lien dérisoire qui était censé en unir les diverses parties. Le vieil édifice n’aurait pas tardé à s’écrouler de lui-même, et la révolution française ne fit sans doute qu’avancer de quelques années le moment de sa chute.


II. — l’ancienne constitution de l’empire germanique.

Pour qu’on puisse se rendre compte des changemens opérés en Allemagne à la suite de nos victoires, il faut donner quelques explications

  1. Voici ce que disait déjà avant la guerre de sept ans l’auteur du Droit public germanique, imprimé à Amsterdam en 1749 : « La balance politique est un pur être de raison, une chimère ; mais elle est surtout impossible dans un même état. Tant que la maison de Brandebourg balancera le pouvoir de la maison d’Autriche, l’empire doit s’attendre à voir rallumer des querelles mal éteintes et à être le théâtre des démêlés de ces deux rivales. Elles ont toutes deux leurs partisans et leurs alliés au dedans et au dehors. La dignité impériale, rentrée dans la maison d’Autriche, a ramené dans ses intérêts la plus grande partie des états d’Allemagne. Indépendamment des avantages qu’elle peut tirer des moindres démarches de sa rivale, la seule puissance où celle-ci est parvenue fournira toujours un prétexte suffisant pour animer les esprits contre elle, par la crainte de voir imperium in imperio, comme parlent les politiques. »