Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/935

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
931
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

clergé à fuir le sol de la France, les émigrés reçurent l’accueil le plus favorable chez les princes ecclésiastiques du Rhin qui étaient au nombre de ceux dont l’assemblée constituante avait violé les droits. La ville de Coblentz, appartenant à l’électeur de Trèves, devint pour ces exilés non-seulement un lieu de refuge, mais encore un quartier général d’où les frères de Louis XVI, considérant le roi comme captif, provoquaient tous les princes de l’Europe à s’unir pour le délivrer, et où ils organisaient une petite armée de gentilshommes destinée à marcher aux premiers rangs des ennemis de la révolution. Il y avait, dans une pareille situation, comme un commencement d’hostilités de la part de l’empire germanique. L’assemblée nationale s’en plaignit vivement, et le ministère français adressa à l’empereur des réclamations auxquelles il ne fut donné qu’une satisfaction incomplète.

Ce ne fut que dans le courant de l’année 1791 que les cabinets de Vienne et de Berlin, arrêtés jusque-là par les embarras où les avait jetés leur politique égoïste et ambitieuse à l’égard de la Pologne et de la Turquie, commencèrent à s’occuper sérieusement de ce qui se passait en France et pensèrent à une intervention, soit par voie diplomatique, soit même à main armée, si la chose devenait nécessaire. Quand l’arrestation de Louis XVI à Varennes eut bien constaté la captivité de ce monarque, l’empereur Léopold et le roi de Prusse, oubliant leur ancienne inimitié, travaillèrent de concert à amener une coalition entre tous les souverains pour rendre au roi de France, sinon son pouvoir, au moins sa liberté. Cette pensée donna naissance à la déclaration de Padoue (6 juillet 1791) et à la fameuse conférence de Pilnitz. Frédéric-Guillaume II, animé alors d’un zèle sincère pour la cause de Louis XVI et de Marie-Antoinette, voulait une invasion immédiate du territoire français. Léopold, circonspect et temporiseur, craignant de mettre en danger par une attaque aussi brusque la vie de son beau-frère et celle de sa sœur, désirait qu’on attendît encore et fondait quelques espérances sur la lutte du parti constitutionnel français contre les jacobins. Il parvint à faire adopter ses vues par son allié ; néanmoins les importunités des chefs de l’émigration arrachèrent aux deux souverains une déclaration où leurs intentions pacifiques se montraient trop à découvert pour ne pas détruire tout l’effet de leurs menaces, et qui n’était propre qu’à irriter le parti révolutionnaire sans l’effrayer. Peu de temps après, Louis XVI ayant accepté la constitution faite par l’assemblée nationale, l’empereur