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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

Gênes ne tarda pas à éprouver le même sort. Ces prompts et gigantesques agrandissemens, après lesquels il ne fallait plus parler d’équilibre européen, amenèrent la troisième coalition contre la France. L’Autriche, qui avait tant d’injures à venger et tant de pertes à réparer, s’allia encore une fois à la Russie et à l’Angleterre. Mais Bonaparte, en enrichissant des dépouilles de l’église les princes de l’Allemagne méridionale, en avait fait les alliés et comme l’avant-garde de la France ; les électeurs de Bavière, de Wurtemberg et de Bade prirent parti pour lui, ouvrirent passage à son armée et en grossirent les rangs de leurs propres troupes. La rapide et brillante campagne de 1805 déconcerta tous les plans des coalisés. Avant qu’ils eussent pu décider la Prusse à se joindre à eux, Napoléon avait fait mettre bas les armes à l’armée autrichienne renfermée dans Ulm, et était entré en vainqueur dans les murs de Vienne ; la victoire d’Austerlitz fit le reste, et força l’Autriche à signer la paix de Presbourg (25 décembre 1805). Cette puissance perdit douze cents milles carrés de territoire qui furent ajoutés au royaume d’Italie et aux états des princes alliés de Napoléon. La Prusse, prise en flagrant délit de conspiration contre le conquérant, fut obligée de sacrifier Neufchâtel, Clèves et Anspach ; elle reçut en échange le Hanovre, possession bien plus importante que celles auxquelles elle renonçait, mais dont l’acceptation la constituait en état de guerre permanent contre l’Angleterre, lui aliénait la Russie et la compromettait dans l’opinion publique en Allemagne. Le traité de Presbourg conféra le titre de roi aux électeurs de Bavière et de Wurtemberg. Ces deux princes et l’électeur de Bade devaient, en outre, jouir de la plénitude de la souveraineté et de tous les droits qui en dérivent dans leurs possessions anciennes et nouvelles, sans pour cela cesser d’appartenir à la confédération germanique. Un terme nouveau, comme on le voit, était substitué à celui d’empire qui rappelait trop l’ancien lien féodal entre les princes et l’empereur, et ce n’était pas sans intention, car la destruction de l’empire était résolue. Quelques mois plus tard, en effet, Napoléon, assuré du concours des souverains de l’Allemagne méridionale et occidentale[1], renversa le peu qui restait du vieil édifice germanique, et fonda la confédération du Rhin, qui substituait le protectorat de la France à la suzeraineté de la maison d’Autriche.

  1. Les maisons de Bavière, de Bade et de Wurtemberg s’étaient alliées à sa famille par des mariages ; l’électeur archichancelier Dalberg avait nommé le cardinal Fescht, oncle de Napoléon, son coadjuteur et son successeur. Murat avait été créé duc héréditaire de Clèves et de Berg.