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étaient quelquefois ceux de nos qualités et aussi souvent ceux de nos vices.

Son ami, son disciple, son continuateur, Spurzheim, rectifiant en cela sa nomenclature, n’avait vu dans les organes du cerveau que des forces pures, qu’il dépendait de l’homme de rendre utiles par une application régulière et intelligente, dangereuses par un emploi déraisonnable et exagéré. Il les avait désignées par le nom abstrait de leur destination générale, au lieu de leur appliquer le nom de l’usage, et souvent même celui de l’abus qui était fait d’elles et que Gall leur avait d’abord imposé. Ainsi, pour en offrir un exemple, il avait appelé dans son langage un peu barbare, organe de l’acquisivité, celui que Gall avait appelé organe du vol, et organe de la destructivité, celui que Gall avait appelé organe du meurtre. Cette science qui avait peut-être quelque réalité dans ses grandes divisions du cerveau, si elle avait été fondée dans tous ses détails, aurait eu une véritable commodité pour les observateurs et pour les honnêtes gens. Elle leur aurait montré le cerveau des hommes comme un livre ouvert et prophétique où des yeux clairvoyans auraient pu lire les destinées écrites d’avance dans les organes.

M. Broussais avait été d’abord contraire à la phrénologie. Il l’avait repoussée, parce que les proéminences osseuses ne correspondaient pas constamment, d’après lui et d’après beaucoup de physiologistes, aux circonvolutions cérébrales qui, de leur côté, n’indiquaient pas toujours les aptitudes dominantes, parce que l’action du cerveau mettait plus de différence entre les hommes que la quantité de sa masse ; parce qu’en réduisant à vingt-huit ou à trente le nombre des organes, on les circonscrivait trop en comparaison des penchans de notre instinct et des facultés variées de notre intelligence ; parce qu’il fallait alors recourir à des subtilités continuelles pour expliquer par des combinaisons d’organes les penchans et les facultés qui n’avaient pas d’organes propres ; parce qu’enfin tout le concours de l’appareil cérébral n’existait plus pour l’accomplissement de chaque phénomène forcément isolé, et qu’on ne reconnaissait aucun organe régulateur dans le cerveau qui ne restât livré à la plus confuse anarchie.

Malgré la valeur et le souvenir de ces objections, M. Broussais devint partisan de la phrénologie à la fin de sa vie. Après la révolution de 1830, une justice tardive avait été rendue à son mérite comme à sa renommée. Le gouvernement nouveau avait créé pour lui une chaire de pathologie et de thérapeutique générales à la Faculté de Médecine