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porte du couvent de Santa-Maria de Rabida, avec le calme et la tranquillité de l’homme supérieur à sa fortune, qui ne doute jamais de sa haute mission, et qu’il demande au portier un peu de pain et d’eau pour son enfant, lui qui apportait un monde au souverain de Castille, et qui venait expressément pour l’offrir.

Son attitude était empreinte de la majesté à laquelle le poète dit qu’on reconnaît les habitans de l’Olympe. Sa physionomie offrait cette sérénité qui signale leurs chefs aux simples mortels. Né pour le commandement, il avait dans l’esprit les ressources qui le rendent léger à qui l’exerce, dans le cœur cette crainte de Dieu et cet amour des hommes qui le font chérir de ceux sur qui il est exercé. Il y a de lui un mot qu’oublièrent trop souvent les conquistadores, que l’héroïque Isabelle eut constamment présent, dont les leyes de las Indias ont porté profondément l’empreinte, malgré ce qu’ont pu dire les détracteurs de l’Espagne : il recommandait qu’on ménageât les indigènes, parce que, disait-il, « c’est la richesse de l’Inde. »

    dant, avant d’atteindre la bande (raya) que je viens d’indiquer, nous ne rencontrâmes pas une tige d’herbe. À cette même limite (cent lieues à l’ouest des Açores), la mer devint unie et calme, puisqu’aucun vent de quelque force ne l’agite. — Quand je vins (dans mon troisième voyage) d’Espagne à l’île de Madère, et de là aux Canaries, et des Canaries aux îles du Cap-Vert, je me dirigeai vers le sud jusqu’à la ligne équinoxiale (le fils de Colomb dit qu’on n’avança que jusqu’au 5° de latitude boréale). Me trouvant sous le parallèle qui passe par la Sierra-Leoa (sans doute Sierra-Leone), j’eus à souffrir une si horrible chaleur, que le vaisseau paraissait brûlant ; mais ayant franchi vers l’ouest la bande que j’ai indiquée, on changea de climat ; l’air devint tempéré, et cette fraîcheur augmenta à mesure que nous allions en avant. »

    « Ce long passage, dans lequel j’ai conservé le caractère du style franc et simple, mais diffus, de Colomb, renferme le germe de grandes vues sur la géographie physique. En y ajoutant ce qui est indiqué dans d’autres écrits du même navigateur, ces vues embrassent : 1o  l’influence qu’exerce la longitude sur la déclinaison de l’aiguille ; 2o  l’inflexion qu’éprouvent les lignes isothermes en poursuivant le tracé des courbes depuis les côtes occidentales d’Europe jusqu’aux côtes orientales d’Amérique ; 3o  la position du grand banc de Sargasso dans le bassin de l’Océan atlantique, et les rapports qu’offre cette position avec le climat de la portion de l’atmosphère qui repose sur l’Océan ; 4o  la direction du courant général des mers tropicales ; 5o  la configuration des îles et les causes géologiques qui paraissent avoir influé sur cette configuration dans la mer des Antilles.

    « Mais l’amiral n’eut pas seulement le mérite de trouver la ligne sans variation dans l’Atlantique, il fit dès-lors aussi la remarque ingénieuse que la déclinaison magnétique pouvait servir à obtenir (entre de certaines limites) la longitude du vaisseau, etc. » (Histoire de la Géographie du nouveau continent, tome III, passim, de la page 21 à la page 39.)