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L’EUROPE ET LA CHINE.

sait justement comme devant exercer l’influence la plus bienfaisante et la plus étendue sur les destinées du genre humain, celle de la jonction, de l’association, de la fusion, sous une même loi et une même foi, des deux massifs de la famille humaine, qui, alors comme de nos jours, siégeaient, en se tournant le dos aux deux extrémités de l’ancien continent, séparés par un immense espace, par des déserts, par des peuples barbares, et dont l’un occupe de plus aujourd’hui un nouveau monde que Colomb lui a donné. Cette pensée était si vaste, si difficile à réaliser, que trois siècles et demi après lui, elle reste encore à accomplir, et qu’elle n’est même pas tout-à-fait sortie du domaine de la politique purement contemplative. En supposant que jamais elle se réalise pleinement et sans réserve, jusque-là elle suffira encore à la gloire de plus d’une pléiade de grands hommes. Elle est de notre temps, et sera, bien après que nous tous, qui vivons maintenant, serons oubliés, la plus gigantesque qui puisse être caressée par les rêves d’un homme d’état comme par l’ambition d’un conquérant, par l’ame de l’homme religieux comme par la pensée du philosophe, par l’esprit du savant comme par les calculs de l’industriel, par les espérances du novateur le plus audacieux comme par la sollicitude prudente et conservatrice des amis de l’ordre universel.

La mesure la plus exacte de l’importance des évènemens humains est celle que donnent le nombre et la valeur des hommes dont ils embrassent l’existence. De ce point de vue, l’association de la civilisation occidentale avec l’Orient extrême serait le plus grand fait qui se fût jamais passé sur la terre.

    longueur du jour dans les différentes sagas, on en a conclu que les contrées visitées alors par les Normands étaient situées entre les parallèles de 41° et 50°, ce qui correspond à la côte qui s’étend de New-York à Terre-Neuve, côte sur laquelle vivent plus de sept espèces de vigne. Il paraît même que ces vaillans hommes du Nord s’avancèrent beaucoup plus loin au midi. Quelques postes, quelques villages peut-être furent construits par eux, au moins dans le Vinland. On a retrouvé récemment des inscriptions runiques qui constatent leur passage et leur séjour sur divers points du continent américain. Mais vers le milieu du XIIe siècle, tout souvenir du Vinland disparaît de l’histoire ; plus tard, les établissement du Groënland eux-mêmes furent ruinés et abandonnés. Quoique Colomb eût navigué au nord, dans les parages de l’Islande, rien ne porte à croire qu’il y ait recueilli des données propres à le guider ou à l’encourager dans son entreprise. Il y a lieu de penser que, grace aux efforts des savans du Danemark, notre époque est infiniment mieux informée sur cette découverte anticipée du Nouveau-Monde qu’on ne l’était du temps de Colomb, non-seulement dans la péninsule ibérique, où l’on n’en savait pas un mot, mais même dans la presqu’île scandinave et ses dépendances, où il paraît que dès-lors elle était oubliée.