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WALTER RALEIGH.

couvertes et les prouesses de son chevalier, refusait de leur prêter de nouveau son appui.

Elle jugeait sainement une entreprise qui finissait par une déception, après avoir commencé par une lâche barbarie, le sac de la ville de Saint-Joseph. « J’aurais été un âne (very much of the ass), dit Raleigh pour s’excuser, si j’avais laissé derrière moi une garnison espagnole. » Pour ne pas être un âne, il assassina traîtreusement cette garnison pacifique. Le même procédé de séduction et d’adresse a dicté sa relation, publiée après son retour, sous ce titre pompeux :

Découverte du vaste, riche et bel empire de la Guyane et de la grande ville d’or de Manoa, etc. « Que mes concitoyens m’écoutent, dit-il dans cet ouvrage. Le soldat, au lieu d’aller se battre pour une pièce de cuivre, garnira sa poche d’or massif ; il se paiera lui-même avec des plaques d’or d’un demi-pied de diamètre. Les commandans et capitaines, avides d’honneur et de luxe, trouveront des cités plus riches et plus belles, plus de temples aux idoles d’or, plus de tombeaux remplis de trésors que Fernand Cortez n’en découvrit au Mexique ou Pizarre au Pérou ! »

Les esprits faibles lui donnèrent croyance ; Élisabeth resta sourde. Il ne se rebuta pas. Après avoir été marin, amiral, écrivain, homme de plume, il redevint guerrier.

IV. — ESSEX, CECIL ET RALEIGH.

Nommé amiral de l’arrière-garde sous les ordres du comte d’Essex, en 1596 et en 1597, il balança, souvent même il éclipsa son rival et son chef. Cadix pris, la flotte espagnole détruite, Fayal mis en cendres, appartiennent à Raleigh plus encore qu’à Essex. Comme homme de guerre, Raleigh, s’il se fût livré exclusivement à ce métier, aurait trouvé peu de rivaux. Cette intrépidité, cet élan, cette férocité et cet acharnement au succès, ce coup d’œil prompt et vif et cette résolution soudaine que l’on a vus briller dans tous ses actes, emportaient la victoire d’assaut. Ne tentons pas d’enlever à cet homme étonnant la réalité des talens et des vertus qui sont à lui.

La scène sur laquelle Raleigh va paraître change au moment où nous sommes, en 1597, après la prise de Fayal ; lui-même change de costume et de conduite. Élisabeth lui a rendu son titre de capitaine des gardes : « il entre dans le boudoir, dit un contemporain, aussi hardiment qu’autrefois. » Mais il a quarante-cinq ans ; il ne peut