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Zurich, l’autre dans la Nord-Hollande. Le coup d’état du 18 brumaire, qui substitua à l’anarchie et à la corruption du directoire la dictature du premier consul ; la défection de Paul Ier, qui ruina la coalition ; enfin la bataille de Marengo, qui ramena la victoire sous nos drapeaux et l’Italie sous notre domination, et celle de Hohenlinden, qui réduisit l’Autriche au désespoir et l’obligea à signer le traité de Lunéville, tous ces faits, dus, les uns à la fortune, les autres à l’habileté de nos généraux et surtout au génie de l’homme que la France venait de placer à sa tête, n’éveillèrent dans l’ame de Frédéric-Guillaume que des sentimens de satisfaction, mêlés cependant de quelque crainte sur l’abus que nous serions tentés de faire de notre nouvelle grandeur.

Aussitôt après s’être emparé des affaires, Bonaparte avait envoyé à Berlin son aide-de-camp et son ami le colonel Duroc. Le but de cette mission était d’établir des rapports de confiance, et, s’il était possible, d’intimité entre le nouveau gouvernement de la France et la Prusse. Le roi fit l’accueil le plus amical à l’envoyé du premier consul. Il subissait, comme tous les hommes que n’aveuglaient ni la passion ni les préjugés, le prestige attaché au génie et à la gloire de Bonaparte, et il lui témoigna tout d’abord une sympathie qui ne fit que s’accroître sous l’influence de ses nouvelles victoires en Italie. Mais il demeura immuablement attaché à son système de neutralité, et résista aux avances du premier consul comme à celles du directoire. Cependant les circonstances le forcèrent bientôt à sortir de son immobilité.

Paul Ier ne savait jamais se brouiller ni se dévouer à demi ; son humeur inconstante et fougueuse avait besoin d’aimer ou de haïr. Il ne s’était placé à la tête de la seconde coalition que pour relever toutes les légitimités détrônées, pour rétablir la maison de Savoie à Turin, l’ordre de Saint-Jean à Malte, l’oligarchie vénitienne dans son ancienne indépendance, la maison de Bourbon en France. Bientôt il s’était convaincu que ses alliés ne portaient point dans la ligue le même désintéressement, que l’Autriche ne voulait se dessaisir ni de Venise, ni de Milan, ni du Piémont ; que peut-être les Anglais ne pressaient si vivement le siége de Malte que pour s’en emparer et la conserver ; qu’enfin la guerre, pour eux, était devenue un moyen, non d’abattre la révolution, mais d’anéantir le commerce de tous les neutres, et d’usurper sur la mer une dictature sans contrôle. Des querelles de généraux accrurent son mécontentement. Enfin, la désastreuse expédition du duc d’York dans la Nord-Hollande acheva