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bation[1]. Ces succès devaient accroître son goût pour l’analyse, à laquelle il consacrait toutes ses méditations ; mais une circonstance particulière ayant dirigé son esprit vers les questions les plus difficiles de philosophie naturelle, il parvint rapidement à des résultats de la plus haute importance, et il se plaça ainsi au premier rang. Permettez-moi, monsieur, de m’arrêter un instant sur ce point.

M. Poisson remplit pendant deux années les fonctions de répétiteur-adjoint à l’École Polytechnique avec le traitement fort modique de chef de brigade. Mais ses talens proclamés par Laplace devaient l’élever à une brillante position sans que jamais il fût obligé de rien demander. Tantôt c’était une gratification extraordinaire, tantôt une chaire vacante que l’illustre auteur de la Mécanique céleste obtenait pour lui. Aux remerciemens réitérés du jeune géomètre, Laplace se contentait toujours de répondre : Véritablement (c’était son mot favori), véritablement cela vous était dû. C’est ainsi que M. Poisson devint rapidement suppléant, et puis professeur titulaire à l’École Polytechnique, où il remplaça Fourier ; suppléant au Collége de France, géomètre-adjoint au Bureau des Longitudes, professeur à la Faculté des Sciences de Paris, et enfin membre de l’Institut. Pendant qu’il suppléait M. Biot au Collége de France, M. Poisson, s’acharnant sur une difficulté qui avait arrêté Lagrange et Laplace, résolut une question astronomique de la plus haute importance, et devint ainsi l’émule de ces maîtres célèbres. Cette question, qui intéressait vivement les géomètres, est digne aussi des méditations des philosophes et de l’attention de tous les hommes instruits.

Vous savez, monsieur, que rien n’est immuable dans l’univers.

  1. L’un de ces mémoires était relatif aux équations, aux différences mêlées. Le rapport, rédigé par MM. Lacroix et Laplace, se termine ainsi :

    « En rapprochant ce qu’ont appris successivement sur les différences mêlées les mémoires de MM. Condorcet, Laplace et Biot, de celui dont nous devons rendre compte, il nous a paru que M. Poisson a le premier donné des notions précises sur la nature des intégrales de ces équations, en même temps qu’il augmente d’une manière notable le nombre de celles qu’on sait intégrer, et nous pensons en conséquence que son travail mérite l’approbation de la classe et l’impression dans le recueil des Savans étrangers. »

    Dans le second rapport, MM. Lagrange et Lacroix, chargés d’examiner un mémoire sur les solutions particulières des équations différentielles, s’exprimaient d’une manière non moins honorable :

    « Le mémoire (disaient-ils) dont nous venons de rendre compte présentant un assez grand nombre de résultats nouveaux sur une matière très importante et rendant uniformes les solutions des questions qu’elle embrasse, nous a paru très digne de l’approbation de la classe et de l’impression dans le recueil des Savans étrangers. »