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mourut, et on assura que Mme de Longueville était cachée derrière une fenêtre, à voir le combat. Au moins, tout ce bruit pour elle l’avait charmée : c’était l’hôtel de Rambouillet en action. Coligny y allait trouver son compte, s’il avait vécu.

Est-ce avant ou après cette aventure que Mme de Longueville fut atteinte de la petite vérole ? Ce fut probablement un peu avant ; elle l’eut l’année même de son mariage, et sa beauté s’en tira sans trop d’échec ; l’éclipse fut des plus passagères. « Pour ce qui regarde Mme de Longueville, dit Retz, la petite-vérole lui avoit ôté la première fleur de sa beauté ; mais elle lui en avoit laissé presque tout l’éclat, et cet éclat, joint à sa qualité, à son esprit, et à sa langueur qui avoit en elle un charme particulier, la rendoit une des plus aimables personnes de France. » M. de Grasse se croyait plus fidèle à son caractère d’évêque en lui écrivant, dès qu’elle fut rétablie : « Je loue Dieu de ce qu’il a conservé votre vie… Pour votre visage, un autre que moi se réjouira avec plus de bienséance qu’il n’est pas gâté. Mademoiselle Paulet me le manda. J’ai si bonne opinion de votre sagesse, que je crois que vous eussiez été bien aisément consolée si votre mal y eût laissé des marques. Elles sont souvent des caractères qu’y grave la divine miséricorde, pour faire lire aux personnes qui ont trop aimé leur teint que c’est une fleur sujette à se flétrir devant que d’être épanouie, et qui, par conséquent, ne mérite pas qu’on la mette au rang des choses que l’on peut aimer. » Le courtois évêque ne s’étend si complaisamment sur ces traces miséricordieuses au visage, que parce qu’il est sûr par Mlle Paulet qu’il n’y en a point.

Mme de Motteville va plus loin ; elle nous décrit, même après cet accident, cette beauté qui consistait plus dans certaines nuances incomparables du teint que dans la perfection des traits, ces yeux moins grands que doux et brillans, d’un bleu admirable, pareil à celui des turquoises ; et les cheveux blonds argentés, qui accompagnaient à profusion ces merveilles, semblaient d’un ange. Avec cela une taille accomplie, ce je ne sais quoi qui s’appelait bon air, air galant, dans toute la personne, et de tout point une façon suprême. Personne, en l’approchant, n’échappait au désir de lui plaire ; son agrément irrésistible s’étendait jusque sur les femmes[1].

Le duc de Longueville, tout descendant de Dunois qu’il était, avait en lui peu de chevaleresque ; c’était un grand seigneur magnifique et

  1. Après ces témoignages d’une personne aussi véridique que Mme de Motteville, et d’un connaisseur désintéressé ici comme Retz, je n’ai garde d’aller demander à cette méchante langue et à ce fou de Brienne quelques détails moins enchanteurs