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MADAME DE LONGUEVILLE.

pacifique, sans humeur, assez habile dans les négociations autant qu’un indécis peut l’être. On l’envoya pour suivre celles de Munster ; Mme de Longueville ne l’y alla rejoindre qu’au bout de deux ans (1646), et lorsque déjà le prince de Marsillac avait fait sur elle une impression qu’il avait également reçue.

Le monde diplomatique et les honneurs dont elle fut l’objet la laissèrent nonchalante et assez rêveuse ; elle en pensait volontiers ce qu’elle dit un jour en bâillant de la Pucelle de Chapelain, qu’on lui voulait faire admirer : Oui, c’est bien beau, mais c’est bien ennuyeux. — « Ne vaut-il pas mieux, madame, lui écrivait durant ce temps le soigneux M. de Grasse, que vous reveniez à l’hôtel de Longueville, où vous êtes encore plus plénipotentiaire qu’à Munster ? Chacun vous y souhaite cet hiver. Monseigneur votre frère est revenu chargé de palmes ; revenez couverte des myrtes de la paix : car il me semble que ce n’est pas assez pour vous que des branches d’olivier. » Elle reparut en effet à Paris en mai 1647. Cette année d’absence avait encore renchéri son prix ; le retour mit le comble à son succès. Tous les désirs la cherchèrent. Sa ruelle, est-il dit, devint le théâtre des beaux discours, du fameux duel des deux sonnets, et aussi de préludes plus graves. Pour parler le langage de M. Godeau, les myrtes commençaient à cacher des glaives.

Son frère le victorieux, jusque-là si uni à ses sentimens, peu à peu s’en sépare ; elle s’en irrite. Son autre frère, le prince de Conti, s’enchaîne de plus en plus à elle. Marsillac saisit décidément le gouvernail de son cœur.

Suivre la vie de Mme de Longueville à cette époque, dans les rivalités commençantes, dans les intrigues et bientôt les guerres de la Fronde, ce serait se condamner (chose agréable d’ailleurs) à émietter les mémoires du temps ; ce serait surtout vouloir enregistrer tous les caprices d’une ame ambitieuse et tendre, où l’esprit et le cœur sont dupes sans cesse l’un de l’autre ; ce serait prétendre suivre pas à pas l’écume légère, la risée des flots :

In vento et rapidâ scribere oportet aquâ[1].

Attachons-nous au caractère. La Rochefoucauld, qui eut plus que

    sur une telle beauté, détails suspects et qui ne se rapporteraient d’ailleurs qu’à l’époque déclinante. Ce qui est certain de Mme de Longueville, c’est que, sans posséder peut-être de certains attraits complets, elle sut avoir toute la grace.

  1. Quatre livres de mémoires bien lus suffisent, Retz et La Rochefoucauld, Mmes de Motteville et de Nemours.