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et il aura avec lui l’opinion de la France et du monde. La France va s’armer, on va lever tous les hommes que la loi permet de lever. S’il fallait porter notre effectif au pied complet de guerre, les chambres seraient convoquées ; le cabinet tient l’ordonnance de convocation toute prête pour le premier danger. En attendant, on prépare le matériel, qui est toujours plus difficile, plus long à réunir. Ainsi préparée, la France attendra. Si les puissances emploient des moyens que dans son intérêt et sa dignité la France ne puisse admettre, elle prendra le monde à témoin de sa conduite, de sa loyauté, de la pureté de ses motifs ; elle fera bénir ses drapeaux par le Dieu qui bénit les drapeaux de Fleurus et d’Austerlitz ; elle prendra les armes pour la cause de la civilisation, car c’est la civilisation qu’on hait sur les bords du Nil comme sur les bords de la Seine ! Avec bonne cause et l’épée de la France, on a chance de vaincre, car on a vaincu trente années.

Si les moyens employés n’ont rien que la France ait droit et intérêt d’empêcher, elle observera, et alors qu’arrivera-t-il ? Un résultat pour lequel il ne valait pas la peine de braver de si grands périls, car le vice-roi, contre lequel on n’aura rien fait de sérieux, finira par venir à bout un peu plus tôt, un peu plus tard, de l’insurrection de Syrie. Et alors qu’essaiera-t-on ? On en reviendra au point de départ, c’est-à-dire à la situation que le cabinet français a toujours ainsi définie :

Moyens insuffisans ou dangereux à l’égard du vice-roi. Dès-lors, nécessité de traiter avec lui sur des bases équitables et raisonnables.

Or, si ces bases sont équitables et raisonnables, alors la France s’emploiera à les lui faire accepter.

Faisons donc des vœux pour que le vice-roi triomphe des insurgés ; armons-nous, mais avec calme. N’injurions pas la nation anglaise, qui n’a pas encore ratifié la politique de son ministre ; n’injurions pas ce ministre, car nous finirions par blesser la nation qu’il représente, et qui, en le blâmant, n’oublie pas qu’il est Anglais. — Armons-nous, et attendons.

Il y a un mot, un mot décisif qu’il faut dire à l’Europe avec calme, mais avec une invincible résolution : — Si certaines limites sont franchies, c’est la guerre, la guerre à outrance ; la guerre, quel que soit le ministère. — Si dans une telle situation le ministère du 1er mars, pouvait être faible, il serait renversé ; si, en voulant n’être pas faible, il était obligé de se retirer, ses successeurs, quels qu’ils fussent, seraient obligés d’être aussi énergiques que le ministère sortant.


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