Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/504

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
500
REVUE DES DEUX MONDES.

plus grands avantages. Le commerce de la Cilicie et de l’Asie mineure se lierait en effet parfaitement à celui de la Syrie par la voie de Tarfous, ces deux contrées vendant par cette voie plus de produits aux Européens qu’ils ne leur en achètent, et la Syrie, au contraire, en achetant plus qu’elle n’en vend.

La France, avant 1789, était en possession d’exploiter presque exclusivement le commerce européen dans cette riche contrée. Vingt maisons cautionnées, établies dans les principales places du pays, vendaient chaque année pour 4 à 5 millions de nos marchandises, et en recevaient en retour pour 5 à 6 millions. Les affaires de toutes les nations de l’Europe réunies n’arrivaient pas à cette valeur.

Cette prépondérance, la France peut la retrouver. Une fois le vice-roi paisible possesseur de la Syrie, cette province devient le lieu de transit de toutes les richesses de la Perse et de l’Inde. Les ports de Beyrouth, de Sayde, de Lataqui, d’Alexandrette, peuvent être facilement améliorés. En réunissant à Sayde une île qui n’en est que peu éloignée, le pacha obtiendrait à peu de frais un port qui aurait quinze pieds d’eau, et qui pourrait contenir un grand nombre de bâtimens. Mais c’est surtout sur la navigation de l’Euphrate que le pacha devra diriger toute son activité. Qu’il restaure, et il le peut sans trop de frais, le canal de jonction de l’Oronte et de l’Euphrate, que le colonel Chesney a reconnu près d’Alep ; qu’il creuse le magnifique port de Séleucie, qu’un gouverneur d’Alep, Halil-Pacha, proposait au sultan de faire déblayer pour une somme de 775,000 francs pour la totalité du port, et de 250,000 pour une partie seulement ; qu’il organise les caravanes d’Alexandrette à Alep, et d’Alep à Bir sur l’Euphrate. Ce fleuve, depuis son embouchure jusqu’à son confluent avec le Tigre, à Bassora, reçoit directement les bâtimens venant de Bombay. Depuis Bassora jusqu’à El-Ors, comprenant un espace de huit cents milles sans pouvoir admettre ces mêmes bâtimens, il n’offrirait aucune difficulté naturelle à des bateaux à vapeur d’un moindre tonnage, les bas-fonds les plus mauvais ayant au moins quatre pieds et demi d’eau. Les circonstances deviennent moins favorables à la navigation depuis El-Ors jusqu’à Bir, sur un espace de quatre cents milles ; mais pendant huit mois de l’année tous les obstacles se trouvent couverts par l’abondance des eaux, et l’industrie, l’activité européenne ne peuvent plus d’ailleurs être arrêtées.

C’est le long de ces antiques voies que les richesses de la Perse et de l’Inde s’achemineront vers l’Europe. Les bateaux de la France iront les prendre dans les ports de la Syrie, Marseille les recevra dans le sien, et par le Rhône et le canal du Rhône au Rhin elle les versera en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Hollande. En retour, la France portera dans ces contrées ses produits si beaux et si variés, et après avoir donné des rois à la Syrie, elle lui donnera la civilisation et la liberté.