Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/675

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
671
L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE WHIG.

par la chambre héréditaire, l’aristocratie y règne, ou, pour mieux dire, cette chambre est l’aristocratie elle-même. Quant à la chambre des communes, elle se compose de 320 tories, champions ardens des vieilles institutions, et de 100 à 150 whigs conservateurs qui n’y tiennent guère moins. Il reste donc pour le parti radical ou démocratique 200 membres tout au plus ; mais, de ces 200 membres, il faut déduire 30 Irlandais qui s’associent au parti radical, sans partager ses opinions, et qui l’abandonneraient le jour où l’Angleterre aurait rendu justice à leur pays. Il faut en déduire encore un certain nombre d’hommes politiques, radicaux par ton ou par situation, mais qui, comme sir Francis Burdett et sir Robert Wilson en ont déjà donné l’exemple, passeraient dans le camp ennemi le jour où ils pourraient redouter une trop prompte victoire. Toutes ces déductions faites, je ne pense pas qu’il reste dans la chambre des communes plus de 50 à 60 radicaux fermes et résolus. Est-ce au sein d’une assemblée ainsi composée que l’on verra jamais une nuit du 4 août ?

On peut dire, à la vérité, que cette assemblée se renouvelle tous les trois ou quatre ans, et que par l’action de l’opinion publique, et grace au bill de réforme, elle sera sans doute notablement modifiée ; mais cette objection, très plausible il y a huit ans, a cessé de l’être aujourd’hui. On ne peut oublier en effet que le parti tory, réduit à 180 membres en 1832, lors de l’élection qui suivit le bill de réforme, est remonté à 310 en 1834, et à 320 en 1837, bien qu’à cette dernière époque l’influence de la couronne et l’influence ministérielle fussent unies contre lui. On ne peut oublier, d’un autre côté, que le parti radical exalté n’a pu faire renommer ses chefs les plus notables, et que c’est tout au plus s’il conserve dans la chambre des communes quatre à cinq représentans ignorés. Il faut conclure de tout cela, ou que le bill de réforme n’est point si contraire à l’aristocratie qu’on l’avait cru d’abord, ou que l’opinion publique, loin de se retirer d’elle, lui devient plus favorable de jour en jour. Dans une hypothèse comme dans l’autre, la chambre des communes ne prendra certainement pas l’initiative d’une révolution.

Si la révolution doit se faire, ce ne sera donc point par les pouvoirs établis. Reste à savoir si ce sera contre eux.

Quand les réformistes font le dénombrement de leur armée dans le pays et de l’armée ennemie, ils accordent sans hésiter à celle-ci la grande majorité des propriétaires du sol et des chefs d’industrie, l’église, l’armée, les professions judiciaires, c’est-à-dire à peu de chose près toutes les classes supérieures de la société. Ils reven-