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paix et de guerre, encore suspendue sur l’Europe, préoccupait tous les cabinets. Assurément il y a là pour le parti whig un juste et éternel sujet de contentement et d’orgueil.

On sait comment finit le ministère Grey. La question de l’église lui enleva d’abord quatre de ses membres les plus éminens, et la question irlandaise, un peu plus tard, contraignit son illustre chef à la retraite. Alors commença, en juillet 1834, la seconde époque, celle du premier ministère Melbourne. Comparé à celui qui l’avait précédé, ce ministère contenait si peu d’hommes supérieurs, que personne dans le premier moment ne crut à sa durée. Autant d’ailleurs le ministère Grey avait été brillant et résolu, autant le ministère Melbourne se montra indécis et terne. Dédaigné par les tories et par les whigs dissidens, injurié par O’Connell, attaqué par les radicaux, ce cabinet, après six mois d’une existence insignifiante, semblait près de s’éteindre doucement, quand, en rappelant brusquement les tories, le roi jugea à propos de le ranimer.

J’ai ailleurs expliqué les causes et les effets de cet étrange évènement. Je ne veux point y revenir. Je rappellerai seulement qu’outragés et foulés aux pieds par la couronne, les whigs contractèrent dès-lors avec le parti radical et le parti irlandais l’alliance qui depuis six ans maintient le gouvernement entre leurs mains, et trouvèrent ainsi dans leur chute une nouvelle force. Les tories avaient pour eux la couronne, les deux tiers de la chambre des lords, et, depuis les nouvelles élections, près de la moitié de la chambre élective ; mais dans cette dernière chambre les whigs, les radicaux et les Irlandais réunis l’emportaient de vingt à trente voix, et devant cette imperceptible majorité sir Robert Peel dut se retirer. C’est à dater de ce jour que l’étoile pâlissante du parti whig brilla d’un nouvel éclat, et que le ministère Melbourne, bien que la crise lui eût enlevé encore deux de ses membres les plus considérables, lord Althorp et lord Brougham, devint un ministère sérieux et puissant.

De mai 1835 à mars 1839, il y a près de quatre ans, et pendant cette longue période, l’Angleterre a présenté un spectacle inoui jusqu’alors, celui d’un ministère qui, combattu par la chambre des lords et appuyé dans la chambre des communes par une majorité de quelques voix seulement, dont la moitié ne partage ni ses opinions ni ses sympathies, gouverne cependant le pays avec autorité, avec dignité, et poursuit paisiblement l’œuvre si difficile d’une réforme à la fois sérieuse et modérée. Une telle conduite à travers de telles difficultés fait sans doute beaucoup d’honneur au ministère ; mais elle en fait