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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE WHIG.

plus encore à la majorité dont l’intelligence et le bon sens ont su triompher ainsi de ses passions et de ses dissentimens intérieurs. Nous faisons en ce moment en France une tentative analogue, et si l’on peut juger de l’avenir par le passé, j’ai la confiance qu’elle réussira. Mais que sont les différences qui nous séparent auprès de celles qui distinguent en Angleterre les whigs des radicaux ? Les whigs, je le répète, veulent maintenir la vieille constitution anglaise, que les radicaux veulent détruire. Depuis six ans pourtant, les radicaux, pour écarter les tories, soutiennent les whigs, bien que ceux-ci, toutes les fois qu’ils en ont été sommés, n’aient pas hésité à déclarer que, plutôt que de dépasser la limite de leurs opinions, ils étaient prêts à quitter le pouvoir. C’est là des deux parts un exemple de justesse et de fermeté d’esprit qui ne doit pas être perdu.

Il est certain d’ailleurs qu’en présence d’une chambre des lords ouvertement hostile et d’une chambre des communes presque partagée par moitié, les whigs, sous le second ministère Melbourne, sont loin d’avoir accompli tout ce qu’on pouvait attendre d’eux, tout ce qu’eux-mêmes croyaient juste et bon. Ils ont pourtant réformé les corporations municipales, converti définitivement les dîmes en une rente foncière, refait les lois des pauvres, régularisé l’état civil et l’instruction publique, adouci les lois criminelles, réparti plus également les revenus ecclésiastiques, complété l’affranchissement des esclaves ; et si sur deux autres questions d’une haute importance, celles des taxes et des propriétés de l’église, ils ont dû reculer, la tentative qu’ils ont faite et les principes qu’ils ont émis n’en restent pas moins comme la preuve d’un progrès remarquable dans l’opinion publique, et comme un engagement pour l’avenir.

Mais le gouvernement d’un pays ne consiste pas uniquement dans la législation. Il y a, en outre, la conduite générale des affaires tant en dehors qu’en dedans. Or, si, malgré la première quadruple alliance, il est difficile de signaler une notable différence entre la politique étrangère des whigs et celle des tories, il en est tout autrement de leur politique intérieure. Pour la première fois peut-être, on a vu le gouvernement et l’administration lutter contre les abus d’une organisation aristocratique, au lieu de les favoriser. Pour la première fois, on a vu le pouvoir se mettre du côté des faibles contre les forts. Je n’ai pas besoin de dire que c’est surtout par sa conduite en Irlande que le ministère Melbourne a mérité cet éloge. En Irlande, on le sait, le gouvernement, l’administration, la justice, n’ont eu qu’un but depuis plusieurs siècles, opprimer et pressurer le pays. Aussi, sur